Comme des millions d’autres, j’ai grandi avec Harry Potter. J’ai dévoré les quatre premiers livres, attendu impatiemment la sortie des trois suivants, en me précipitant à l’entrée du magasin dès minuit et la distribution des premiers exemplaires, et depuis j’ai relu tous les tomes un nombre conséquent de fois. Ce que je trouvais dans les livres de J.K. Rowling, c’était à la fois un univers régi par la magie, rêveur et astucieux, et un récit initiatique auquel l’identification était évidente. Aujourd’hui, je suis plus enclin à trouver des défauts à la saga écrite, notamment un manque de rigueur dans la construction sur le long terme de l’univers, obligeant l’auteure à trouver des tours de passe-passe pour effacer certaines incohérences. Mais aussi un certain manque de finesse dans l’écriture des personnages et la gestion de la symbolique. La saga garde néanmoins une place particulière dans mon cœur, et il en est de même pour sa version filmique. Afin de dépoussiérer des souvenirs plus ou moins lointains, j’ai décidé de revoir les 8 films constituant la saga, en espérant pouvoir les réévaluer avec un œil plus aguerri.


Je commence dont par l’emblématique premier volet de Chris Columbus, celui par lequel tout a commencé, celui qui m’a tellement fait rêver quand je l’ai découvert, avant que l’adolescence et ses troubles m’en éloignent pour me faire préférer les opus suivants, plus « sombres ». Il est vrai que la grande particularité de la saga Harry Potter, sous forme littéraire comme filmique, c’est qu’elle a évolué avec son public. A l’instar du premier livre de Rowling, sorti en 1997, le film de 2001 est avant tout une œuvre familiale, accessible à un très jeune public, et évitant donc d’aborder de plein fouet des sujets très graves. Ainsi, la grande guerre et les massacres causés par le terrible Lord Voldemort, et toutes les thématiques qui en découlent (l’intolérance, la propagande, la métaphore de la guerre et de l’holocauste) ne sont que vaguement évoqués. L’aventure que l’on débute ici prend une allure très légère, se révélant pourtant parfaitement adaptée à son sujet.


Parce qu’en effet, si Columbus n’est pas ce que l’on pourrait appeler un auteur de cinéma, contrairement à son successeur sur la saga, il a en revanche tout de l’honnête enternainer à l’américaine. Harry Potter à l’école des sorciers demeure un divertissement fantasy grand public de qualité. En tant que premier opus de la saga, il a le privilège d’introduire tout un univers à la fois à son personnage principal et au spectateur le suivant. Comme le jeune Harry, on est émerveillé en découvrant le Chemin de Traverse, les tunnels tortueux de Gringotts, la vision nocturne de l’immense château de Poudlard lors de la traversée du lac et on jubile en assistant aux cours, aux leçons de vol, au premier match de Quidditch. L’immersion dans le monde des sorciers est un vrai plaisir, Columbus construit ses séquences avec soin, et la direction artistique de l’ensemble est de qualité. A ce titre, le cultissime compositeur John Williams joue un rôle clé. Sa partition égaie chaque scène, ses thèmes marquent au fer rouge, et il contribue réellement à instaurer ce sentiment de magie indispensable à la construction d’un tel univers.


Le film est un vrai divertissement, qui se suit sans déplaisir grâce à un rythme savamment géré (les 2h30 de la version longue passent agréablement vite). Quelques séquences marquent les esprits : l’introduction et cette arrivée fantomatique de Dumbledore, le match de Quidditch effréné, ou encore tout le climax et cette partie d’échec donc je ne me souvenais pas qu’elle était si haletante. On prend également plaisir à voir se dérouler la vie scolaire des jeunes sorciers et à assister au fleurissement de l’amitié du trio Harry-Ron-Hermione. Il est vrai que le film de Columbus manque d’un vrai parti pris dans son traitement, et se contente souvent d’un simple décalque du livre. Mais les scènes marchent, c’est l’essentiel. Et je trouve vraiment le traitement du personnage de Harry plutôt sympa dans ce film, l’orphelin maltraité qui est arraché à son quotidien et finit par trouver sa place, c’est simple mais ça marche bien. La scène du miroir, avec l’enfant face à l’image de parents qu’il ne pourra jamais toucher, je trouve ça assez beau mine de rien. Et au moins à ce stade-ci le côté « Harry = Elu = Jésus sauveur du monde » n’est pas encore martelé à outrance.


Bon le film a tout de même une bonne dose de défauts. A commencer par le jeu des jeunes acteurs. Diriger un enfant au cinéma, c’est toujours extrêmement compliqué. Certains réalisateurs y arrivent à merveille, mais ici ça patauge vraiment. Les répliques sonnent faux, les réactions sont exagérées, on a parfois du mal à y croire et ça ternit un peu le voyage. Ce n’est curieusement pas Emma Watson, toute mignonne, qui est la plus insupportable, son surjeu évident ne collant finalement pas trop mal à son caractère. C’est en revanche assez irréprochable en ce qui concerne les acteurs adultes. Il faut dire que la saga est réputée pour drainer la crème des acteurs britanniques, et ça commence fort ici avec Alan Rickman, Maggie Smith, parfaits dans leurs rôles de professeurs, Robbie Coltrane en géant bienveillant, ou encore le regretté Richard Harris, qui restera définitivement le Dumbledore idéal. Tant qu’on est dans les défauts, je me dois quand même de mentionner les effets numériques. Certains n’ont pas trop mal vieilli, mais dès que l’on passe aux modèles humains, c’est assez affreux. Les plans concernés sont souvent assez brefs (généralement situés lors de séquences de vol ou autres) mais il suffit de voir le truc une ou deux fois pour que le charme en prenne un coup.


Toutefois, malgré ces quelques points noirs, ce revisionnage du premier Harry Potter fut une agréable surprise. J’en garde l’image d’un divertissement de qualité, un peu impersonnel, mais bien fichu et remplissant parfaitement son contrat tout en introduisant un univers magique que l’on est pas prêt de quitter. Il me tarde de (re)découvrir la suite.

Yayap
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le 1 août 2015

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