A force d’oublier des tas de trucs en chemin, on finit par en avoir plein les bras lorsqu’il faut faire la route dans l’autre sens. C’est un peu ce qu’il s’est passé pour l’équipe réalisateur/scénariste en charge d’adapter le septième volume du sorcier binoclard. Forcément, à sabrer les romans dans tous les sens pour ne pas faire des films de quatre heures et demie, ils se sont retrouvés devant le dernier bouquin en réalisant qu’ils avaient dédaigné des éléments importants pour le dénouement de l’histoire. Et voilà comment nous nous sommes retrouvés, nous, avec deux films pour un seul livre (et puis, il y avait aussi une histoire de gros sous, ne nous voilons pas la face).
Harry Potter et les Reliques de la Mort – 1ère partie (ou HP 7.1) retrouve le chemin des écrits de J.K. Rowling en devenant une des adaptations les moins infidèles de toute la saga (avec HP 1 et 2), même si elle souffre ainsi de quelques défauts inhérents à ce retour aux sources.
Premièrement, le problème majeur vient du fait que les oublis des précédents volets sont difficilement rattrapables en bout de course, sans un minimum d’explications que le réalisateur s’est parfois passé de nous proposer.
Si je vous parle de « la Trace », pas sûre que ça évoque grand-chose
à la majorité d’entre vous. Pourtant, c’est une des lois du monde des
sorciers qui a quelques retombées sur le héros (notamment dans le
film 2 où Harry est à deux doigts de se faire virer de Poudlard parce
qu’ « il » a fait de la magie hors de l’école). Sauf qu’à cet
instant, le terme de « trace » n’est pas utilisé. Il sort dans le
film 7.1 de la bouche de Fol-Œil sans qu’il ne s’épanche sur le
sujet, alors que c’est ce qui justifie tout le ramdam autour des
clones.
Ensuite, il y a ce point qui explique le titre de cette critique : le fragment de miroir de Sirius Black. En vérité, ce miroir à double-sens apparaît dans le livre 5, mais à aucun moment il n’apparaît dans ce film et dans le suivant. Il surgit dans les mains de Harry dans le 7.1 sans que rien ne le justifie avant le volet final de la saga (ça fait très long pour un objet que Harry présente régulièrement à la caméra). Une petite ligne de dialogue entre Harry et ses compagnons de galère pour éclaircir le mystère n’aurait pas été de refus.
Et enfin, le troisième point est nettement plus nébuleux mais, à dire vrai, même en ayant lu le livre (plusieurs années avant), j’avoue avoir été larguée à l’apparition de Pius Thickness. Voldemort s’adresse à lui alors qu’il préside une tablée de Mangemorts et on saisit qu’il fait de la politique, mais de là à comprendre qu’il est le successeur de Rufus Scrimgeour, lui-même successeur de Cornélius Fudge – Ministre de la Magie (rien que ça !) – et qu’il est sous l’influence de l’Impérium, il y a une sacrée trotte.
Deuxièmement – et certains ont reproché cet aspect –, à trop vouloir suivre le bouquin, on en fini par avoir un film qui a le même rythme poussif et creux. En effet, la première moitié du tome 7 est relativement vide de toute action (si ce n’est le passage au Ministère et la récupération de l’épée de Gryffondor). Pire que ça, Dumbledore ayant laissé Harry avec trois fois rien comme information, la quête des Horcruxes est au point mort pendant très longtemps. Et on retrouve effectivement cette inertie durant tout ce premier opus du volet final. Personnellement, ça ne m’a pas dérangé puisque c’est ce qu’il se passe dans l’œuvre originale. Certes, le film s’en retrouve à être un peu mou du genou, mais je ne blâmerai pas Yates pour cela.
D’autant plus que HP 7.1 baigne dans une ambiance glauque et poisseuse à souhait, aidée par cette abondance de pénombre et d’obscurité opposées à la pâleur des visages et la froideur des paysages. Une ambiance lourde qui sied parfaitement à la montée au pouvoir de Voldemort et à la mise en place de ce régime de terreur où il faut montrer sang pur pour avoir le droit de respirer le même air que les « vrais » sorciers (un comble de la part d’un mec qui est de Sang-Mêlé, même si ça ce n’est jamais vraiment dit dans les films…). Cependant, étrangement, cette ambiance qui suinte l’angoisse par tous les pores est beaucoup plus digeste que dans le film précédent (qui, personnellement, me tord les boyaux). Pourquoi ? Je l’ignore, mais je m’en accommode bien volontiers.
D’un point de vue des acteurs, comme d’habitude, il y a du très bon (Fiennes, Jason Isaacs, Rickman, Rhys Ifans), du bon (Watson et la majeure partie des adultes), du moyen (Grint, qui remonte un peu la pente) et du bof, voire plat (Radcliffe, qui a bien quelques sursauts, mais qui demeure tout de même très inexpressif). Certains s’amuseront des manières de Voldemort ou du look « Mozart, l’opéra rock » de Scabior, mais rien qui ne détonne et désavantage le film.
Néanmoins, ne vous attendez pas à une adaptation parfaite à la virgule près puisqu’il y a toujours des éléments plus ou moins anecdotiques qui sont passés sous silence (je pense notamment au portrait de Phineas Nigellus Black du 12, square Grimmaurd qui n’existe tout simplement pas, alors qu’il est à l’origine de la présence de ce patronus de biche dans la forêt de Dean…). Mais l’essentiel y est, donc l’honneur est sauf.