Une légende urbaine à base de goule, un pacte avec le Diable, une reprise du goût à la vie, un récit de vengeance sans concessions… il y a un peu de tout ça dans le foutraque Heartless, qui veut bouffer à tous les râteliers, quitte à mettre de côté la cohérence pour tourner de pures scènes-fantasmes qui emmènent le public dans toutes les directions en même temps. Si le résultat manque de concentration, la fraîcheur de son ton de narration en fait indéniablement un agréable divertissement fantastique.


Vraiment, si je suis d’habitude pour la richesse d’un scénario, la trame de Heartless est assez complexe à suivre, car le script s’ouvre assez vite à plusieurs directions possibles, et plutôt que d’en privilégier une et d’aller à fond dedans, il développe un peu tout en même temps, mettant parfois en pause certaines pistes pour en développer d’autres, avant de revenir aux premières. Si la surprise est toujours de mise (le film s’amorce comme une légende urbaine avec des goules responsables d’une vague d’agression imputée à des gangs de jeunes, avant de basculer dans le film de vengeance jusqu’à un gros rebondissement aux relents « faustiens »), le film ne va pas vraiment au bout de ses concepts, et d’ailleurs, son registre fantastique n’est pas vraiment assumé. Il développe son histoire de pacte sensé effacer la tâche de naissance en contrepartie de meurtres sanglants (et un poil blasphématoire : le meurtre de l’homo est assez grandiloquent à ce sujet), avant de montrer dans le dernier acte un passage où en fait non (mais sans revenir sur les meurtres, ce qui me pose un petit problème de cohérence). Le vrai problème de Heartless, c’est qu’il est objectivement pétri de qualités (on va les développer après ceci), mais qu’il ne sait pas comment les mettre en valeur.


Par conséquent, l’excellent traitement sentimental et psychologique des personnages (tous sont plutôt bien construits) sert essentiellement de cache misère, raccordant les différentes idées fantastiques sans permettre d’arrondir les angles. Ce qui n’empêche pas que le traitement est excellent, on sympathise facilement avec nos personnages et leur façon de pensée est cohérente, logique compte tenu du contexte. Il est rare d’avoir des personnages aussi bien dépeints dans une série B en DTV. Mais c’est un peu à l’image de la conclusion : on a une scène familiale touchante, un souvenir, qui sert à … ? Rien, mais bon, peut être qu’on y verra une conclusion. Dommage que ce fourre-tout fantastique empêche d’adhérer pleinement au film, qui en l’état est un régal technique. La photographie est splendide (magnifiques éclairages et ambiances), les acteurs sont impliqués (excellent incarnation maligne, charismatique héros, petite amie plutôt fraîche…), les goules possèdent un design assez bien foutu (contrairement à ce qu’on pourrait penser, le coup des survêt à capuche, ça marche vraiment bien), et le rythme ne lâche jamais, faisant avancer l’histoire, mais pas vraiment comme il le faudrait. Rien de méchant en tout cas, Heartless restant un agréable film fantastique, avec quelques petites effusions de sang appréciables et beaucoup d’idées.

Voracinéphile
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le 15 déc. 2015

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