Dissipons le malaise d’entrée : Heinrich Himmler – The Decent One, est évidemment un titre ironique.


La spécificité de ce documentaire n’est pas de proposer un nouveau point de vue sur l’Histoire, la montée du régime fasciste ou la Shoah, mais bien de proposer une expérience cinématographique relativement inédite.
Le film de Vanessa Lapa propose en effet, de raconter ce personnage terrifiant que fut le n°2 du parti nazi, par l’intime.
Ainsi, le procédé est expliqué dès la première scène : l’équipe de réalisation a retrouvé de nombreuses photos et correspondances entre Himmler et son entourage. Adréssés entre 1908 et 1945 à sa femme Marga pour la plupart, mais également à sa fille, ses parents, son amante et plus rare, ses « collaborateurs ».
Le culte du secret étant ce qu’il est pour le régime nazi, le génocide ne sera jamais vraiment mentionné dans ces lettres ; il s’agira toujours d’exprimer un ressenti sur « l’état actuel du monde ». Le ressenti d’Himmler, celui des autres.
L’expérience est donc purement émotionnelle.


Elle installe un climat de plus en plus troublant, au fur et à mesure que le temps passe, que la guerre s’installe, que l’entreprise d’extermination prend place. Les images à l’écran se font de plus en plus violentes, démonstratives de la folie du régime nazi… À l’inverse, Himmler, franchement radical dans sa jeunesse, devient de plus en plus modéré dans ses termes – paraît de plus en plus compréhensif, doux, affectueux. Mais quoi qu’il en soit, méticuleux, acharné et calculateur – d’ou réussite de tous ses projets. Brrr.
Le film parvient tout à fait à communiquer en sourdine une véritable schizophrénie, tant chez Himmler, que – logique – dans l’organisation des affaires du régime nazi.
L’hypocrisie avec laquelle Himmler dissimule son homophobie, son antisémitisme, sa misanthropie totale… Est absolument dérangeante. Grandissante, globale et dérangeante.
« nous devons rester décents » affirmait-il.


Concrètement, si vous connaissez un tant soit peu le déroulement des évènements entre 1920 et 1945, vous n’apprendrez pas grand chose. Le film ne propose pas vraiment d’images ou d’informations inédites, mais oppose avec une précision impressionnante, les images d’archives aux pensées et théories d’Himmler. Sans voyeurisme déplacé, ni provocation. Une expérience brute !


Il est par ailleurs impressionnant d’observer comment, au nom du citoyen allemand, il put mettre en marche le désir de conquête et d’extermination du régime nazi.
Himmler s’est simplement servi du mécontentement de son pays pour alimenter sa propre misanthropie. Grace à ses facultés d’orateur, ses talents de politicien… La correspondance montre aussi cela : d’abord s’exercer sur son entourage – pour gagner en assurance – puis passer “national”, et pourquoi pas “international”… Brrr. Glaçant, mais très intéressant : un exemple d’utilisation de l’opinion publique à des fins personnelles, qui reste d’actualité, et dont nous devons absolument nous souvenir.


Au final, HEINRICH HIMMLER – The Decent One peut se voir comme une véritable proposition de cinéma, plus qu’un documentaire sur Himmler. En opposant l’intime à ce fascisme misanthrope et global, Vanessa Lapa provoque, fait réfléchir et dérange. Le genre d’émotions que seuls les bons films parviennent à procurer.


L'intégralité de notre critique de HEINRICH HIMMLER - The Decent One, sur Le Blog du Cinéma

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le 22 janv. 2015

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