Elizabeth Moss, qui produit le film en plus d'en être la tête d'affiche, joue le rôle d'une rock star d'un groupe féminin de grunge / noise-pop du début des années 90, qui a connu une gloire folle et qui est à présent sur le déclin. Pas besoin de chercher longtemps pour voir avec évidence un portrait en creux de Courtney Love et de son groupe Hole, mais sans que le film ne soit jamais une biographie. Perry s'inspire de ce personnage mais en crée un autre. Moss est de tous les plans, elle bouffe littéralement l'écran, comme elle bouffe les autres membres du groupe, son producteur (génial Eric Stoltz que j'ai confondu jusqu'au générique final avec Michael J. Fox), son ingé son, son ex-mari et sa nouvelle épouse, et surtout sa fille, encore bébé et trainée dans l'enfer que lui fait vivre sa mère pourtant totalement incapable de s'occuper d'elle. Cette chanteuse, Beckie Something, est droguée, alcoolique, colérique à un point innommable ce qui fait qu'elle est crainte de tous, elle vit dans une tour d'ivoire qui pourtant s'est écroulée et dont elle est la seule à ne pas s'en être rendu compte. Il faut se battre pour aimer ce film, tant il est rugueux, difficile d'entrée. Tout se passe en intérieur, dans des caves, des backstage, des salles de concerts, des studios sombres, c'est moite, poisseux, dégueulasse. Les scènes s'étirent à l'infini, les plans sont longs, les crises d'hystérie encore plus, et Perry accompagne toutes ses scènes, mêmes celles qui sont dialoguées, d'une musique expérimentale hallucinante, à la fois envoûtante et difficile à supporter dans le contexte, qui crée un truc qu'on n'a jamais vu / entendu auparavant, à part peut-être dans la Troisième Génération de Fassbinder ou dans Good Time des frères Safdie, deux films auxquels Her Smell renvoit régulièrement. Et puis, alors qu'on est, nous spectateur, à deux doigts de craquer nous aussi, comme craque chaque personnage qui ose affronter Beckie Something, a finalement lieu la rédemption, pas d'un coup, bien sûr, mais par paliers, la lumière entre dans le film. Il y a un seul plan en extérieur du film et il en est l'un des plus beaux. Beckie dit à sa fille, après s'être retirée de cette vie et un beau sevrage, un "Let's Go Outside" qui résonne encore autant le lendemain. C'est l'une des deux scènes les plus bouleversantes du film, avec la toute dernière, dont la réplique finale laisse littéralement sur le carreau, ou en larmes, ou les deux. Moss est une actrice que j'aime beaucoup, mais là elle se surpasse, elle est absolument prodigieuse, et tutoie des sommets comme Meryl Streep ou Gena Rowlands. J'évoque Rowlands à dessein, car Cassavetes est l'un des autres piliers de ce film magnifique, narrant le destin d'une femme sous influence(s) qui va finalement parvenir à s'en sortir. Il faut s'accrocher car le spectateur est vraiment mis à l'épreuve, malmené, même si c'est toujours maitrisé et remarquablement fait, mais la récompense est si belle, la lumière finale est si forte qu'on en sort bouleversé.


j'ajoute que les scènes musicales sont absolument stupéfiantes, que Moss chante et joue de tout, sans doublure, et qu'on croit immédiatement, dès la première scène qu'il s'agit d'un groupe véritable.
Et j'ajoute enfin que le générique de fin est le plus beau générique de fin vu depuis 10 ans.

FrankyFockers
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le 30 juil. 2019

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FrankyFockers

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