Le principal problème est essentiellement narratif. Commencer par la fin évente toute la surprise, et reste un effet scénaristique trop vu, d’autant qu’ici il n’apporte rien de neuf ni de vraiment concret pour faire avancer le film. Mais le principal problème du film, autant dans son écriture, sa dramaturgie ou sa mise en scène est l’incapacité du film à montrer la progression de la folie, on passe quasiment directement de l’utopie merveilleuse très Le meilleur des mondes à l’enfer cannibalisme et pornographique sans de réelle transition. Pourtant, on le sent, tous les éléments étaient là. De la culpabilité du héros, de la folie déjà présente chez les personnages pivots (Wilder et l’architecte), jusqu’à bien sûr l’accumulation du sentiment d’injustice par les couches les plus pauvres, mais le film ne parvient à les traiter correctement. Trop d’éléments sont évoqués et aucun n’est traité finalement à sa juste valeur. On survole l’ensemble, sentant le vent de folie, sans jamais vraiment l’éprouver.
Et la mise en scène pop et acidulée qui voudrait nous faire voir là un espèce de rétro futurisme n’arrange pas les choses. Alors certes, c’est joli à regarder, mais ces cadrages, ces décors, ces costumes accompagnés de musiques pop et d’un rythme effréné donne finalement le sentiment d’avoir affaire à un cinéma de pubeur, de clipeur. Au fond, cette mise en scène superficielle colle à la superficialité du traitement de la thématique et de la folie. On effleure le tout, comme on effleure les personnages. Le héros demeurant à notre grand dam une coquille vide alors que le personnage de Wilder brille lui par sa folie et son caractère désespéré.
C’est dommage, car on sent que l’œuvre offrait un grand potentiel, mais en choisissant de définir ça dans une époque proche des années 60, où étaient battis les gigantesques buldings et les HLM, le film ne parvient à faire mouche. Il y avait pourtant tant à dire… De nos jours, les gens tendent à rester chez eux, et l’atmosphère est propice à la folie, à la paranoïa et à la guerre de classe. Mais le cinéaste s’est contenté d’adapter de manière linéaire au lieu de chercher à retranscrire cette folie graduelle à notre époque. On se rabattra alors sur le roman !
Tout n’est cependant pas à jeter dans le film qui nous offre quelques scènes assez dantesques comme cette fête tournant à l’orgie chez les bourgeois, la séquence d’ouverture, et cette fin assez dantesque en dépit d’un manque de moyen (on ne voit jamais la ville, et les tours semblent posées sur un gigantesque parking, ce qui est loin d’être aussi glamour que l’architecte nous l’annonce au début). Les acteurs brillent vraiment dans leurs rôles, on retiendra surtout Luke Evans qui vole la vedette à Tom Hiddleston ou encore Elisabeth Moss qui confirme son talent d’actrice. N’empêche que, pour ceux connaissant le cinéaste et l’auteur du roman, un sentiment de déception vous viendra. Il y avait tant de choses à faire et à dire, et le film semble s’obstiner longtemps dans la mauvaise direction avant de parvenir enfin à trouver son rythme et sa thématique.
Retrouvez ma critique en entier et d'autres ici: https://mauvaisgenresaucinema.wordpress.com/2016/04/11/critique-high-rise-de-ben-wheatley/