Si l’on devait mesurer sur une échelle de 1 à 10 la valeur de ce film, sans hésitation on se rapprocherait du 10. Jamais dans une fiction, le milieu hospitalier n’a été mis en valeur avec une telle véracité, une telle objectivité. Benjamin, jeune interne tout auréolé de son savoir, de son ambition et de sa filiation (il est le fils du chef de service) apprendra très à vivre avec un métier difficile qui finira par rentrer tant bien que mal. A ses dépends (du moins le pense t-il) il découvrira que le monde ne tourne pas autour de lui. Et c’est justement la force et l’intérêt de ce film. Ce monde, composé des autres internes, de tous les soignants, des patients, des familles… ce monde est un microcosme si particulier, qui se retrouve dans un espace temps confronté à la vie, la maladie ou la mort. En évoluant avec Benjamin et ses collègues, avec leurs attitudes si contrastées, mais aussi en suivant les malades et leurs proches, le scénario (admirablement pensé) met à jour un univers à fleur de peau, tout en fragilité, gonflé de courage mais surtout profondément humain. Cette succession de scènes de la vie ordinaire, qui s’imbrique si parfaitement, débouche sur un ensemble d’une cohérence implacable dont le fil conducteur repose sur la dualité entre Benjamin et Abdel autre interne de soutien venu d’Algérie. Entre douleur et apaisement, ces deux-là, à l’antinomique parcours, finiront par se lier d’une amitié forte donnant lieu à des échanges d’une rare intensité. Vincent Lacoste et Reda Kabeb (déjà prodigieux dans « Gare du Nord ») les incarnent magnifiquement ! La portée philosophique de leur relation en fait une variation de « Jeannot et Colin » du 21ème siècle, profondeur et efficacité du propos identiques. A l’heure où le grand public s’extasie sur un Docteur House (beau clin d’œil du film) au surréaliste flair médical par trop cathodique, Thomas Lilti (dont on se souvient du troublant « Les yeux bandés ») nous apporte la preuve que l’on peut « faire dans le divertissement » en abordant son sujet avec perspicacité, émotivité et pragmatisme. Par son approche modeste et si sensible, il nous offre là l’un des grands films français de l’année !
Fritz_Langueur
9
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le 10 sept. 2014

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Fritz Langueur

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