La réalisatrice reconstitue la carrière de reporter de guerre de Gilles Caron de 1968 à 1970, en abordant différemment chaque étape, mais en tentant chaque fois de déterminer les intentions derrière ses photographies - son regard.


On commence doucement avec la série de photos de Cohn-Bendit en route pour le conseil de discipline de l'université, dont Mariana Otero restitue la chronologie. Elle identifie une complicité entre Caron et CB qui l'a reconnu et qui prend la pose.


Puis elle retrace sur une carte les déplacements de Caron dans la Jérusalem prise par les Israeliens, à l'issue de la guerre des six jours ; la découverte du mur des lamentations, qui va occasionner la destruction de tout un quartier de maisons afin d'en faciliter l'accès ; et l'évacuation des civils palestiniens. Elle suppose que Caron avait relevé le comportement de ces soldats qui se frottaient contre un mur sans d'abord le comprendre ; qu'il avait probablement assimilé à des prisonniers exécutés, les petits groupes de cadavres palestiniens dans le désert ; et vu des prisonniers pieds nus déchaussés pour empêcher leur fuite sur le sol brûlant du désert.


Mariana Otero n'entre pas dans le détail du séjour de deux mois au Vietnam. Caron a côtoyé des soldats américains en action, dont les images sont accompagnées par la lecture des lettres qu'il avait envoyées à sa mère pendant son service militaire en Algérie. Le principal témoignage de Caron cité ici concerne sa préoccupation de ne pouvoir photographier les soldats de face. Il a aussi consacré des séries de photos aux prostituées vietnamiennes.


De son reportage au Biafra, on voit les habituelles photos d'enfants affamés.
Joel Calmettes, dans le magazine XXI numéro 39, examine le rôle de la France dans le soutien militaire des sécessionnistes biafrais ; et la manipulation de la population française, dont les médias avaient sollicité la générosité pour contribuer au soutien alimentaire des victimes du blocus organisé par le pouvoir nigérian.
"Durant les combats, les Biafrais qui se rendent à l'armée régulière ne sont pas tués. A la fin des hostilités, on ne rapporte aucun massacre de masse.
Maurice Robert avance que c'est le SDECE qui propage l'idée d'un "génocide". (...)
En réalité, le terme est employé très tôt, bien avant la supposée manipulation des médias par les services secrets, pour décrire l'horreur due au blocus alimentaire. Par le chef de la sécession, le lieutenant-coolnel Ojukwu. Par l'agence de presse biafraise, Markpress, basée à Genève ; et, enfin, spontanément, par de nombreux journalistes.
Je découvre au Biafra l'existence d'une direction de la propagande. Paddy Davies en faisait partie : "Nous avons tiré parti de la famine, dit-il. Il nous suffisait de permettre aux journalistes d'accéder aux enfants en train de mourir de faim, et ensuite, leur coeur parlait."


Le film fait ensuite appel aux témoignages d'Irlandais qui se reconnaissent, adolescents, dans des photographies d'émeutiers en Irlande du nord. Deux femmes émues remercient Otero de leur montrer des photos d'un jeune homme qui fut ensuite emprisonné par les Anglais, puis abattu par des soldats peu après sa sortie. Elles reconnaissent aussi un enfant que ses parents ont envoyé en Angleterre pour échapper aux représailles après la publication de sa photo en couverture de Paris-Match.


Le même numéro du magazine contenait des photos d'une guerre africaine. Le témoignage de Caron nous apprend qu'il s'était retrouvé coincé dans une école en ruine en compagnie d'un petit groupe de soldats assiégés, et n'avait dû sa survie qu'au respect des attaquants envers son statut de journaliste (ils ont même fait appel à lui pour aller négocier la reddition du groupe, qui a préféré la mort).


Après cela, il a sérieusement pensé mettre un terme à sa carrière de journaliste de guerre, mais il a répondu à l'insistante sollicitation pour un reportage au Cambodge. Seules quelques photos anodines nous en sont parvenues.


La réalisatrice se met en scène dans son travail de reconstitution, on la voit coller des tirages de planches contacts sur les murs d'une pièce pour en retrouver la chronologie. Elle effectue un parallèle entre le sort de Caron mort jeune en 1970, et celui de sa mère morte quelques mois avant 1968 lors d'un avortement clandestin. Je ne vois pas tellement de rapports.

ChatonMarmot
6
Écrit par

Créée

le 11 mars 2020

Critique lue 285 fois

6 j'aime

4 commentaires

ChatonMarmot

Écrit par

Critique lue 285 fois

6
4

D'autres avis sur Histoire d'un regard - A la recherche de Gilles Caron

Du même critique

X-Men : Dark Phoenix
ChatonMarmot
2

Pas de cul pour le MCU

**Pinacle tragique des X-men de Chris Claremont, inaugurant une vague de débauchages anglais par l'écurie Marvel, la transformation de Jean Grey en Phénix Noir et la mort de l'Elektra du Daredevil de...

le 5 juin 2019

52 j'aime

55

Midsommar
ChatonMarmot
10

All you need is love...

Ari Aster continue d'exploser les limites du genre horrifique. Il propose un renversement de perspective, une expérience psychédélique et philosophique. Son but est de nous faire entrer dans la peau...

le 1 août 2019

42 j'aime

127

90's
ChatonMarmot
5

futurs vieux cons

Un film qui rend compte de la vie familiale et des rituels initiatiques d'un jeune garçon dans le milieu du skateboard ; ce qui sans être pour moi très captivant, m'interpelle sur un point : le...

le 31 mars 2019

29 j'aime

24