" La beauté, on dit qu'elle est que dans l'œil de celui qui regarde "

D'abord j'ai attendu longtemps avant de le voir, ce qui a rendu encore plus savoureuse la date bénie ou enfin, grâce aux MK2 parisiens, j'ai pu m'asseoir dans une salle et assister à la projection du film qui m'intriguait le plus depuis ce début d'année 2012 un peu mollasson quant à ses sorties françaises.


J'ai mis 9 pour la première scène où, comme dans un rêve ou peut-être plutôt mes rêves, un type sort de sa chambre par une porte un peu secrète et se retrouve dans une salle de cinéma, d'emblée on est troublés et comme piégés entre la réalité et la fiction.
Je n'ai pas mis 10 parce que la séquence "Monsieur Merde" a failli me faire sortir de la salle (oui ça aurait été dommage) mais l'érection de Denis Lavant frise, excusez moi du peu, le ridicule.


Après, on a vite de quoi être perdus mais perdus comme on aime l'être comme j'aime l'être. Parce qu'on assiste à des transformations incessantes où l'on essaie de "revivre" comme dans la chanson de Manset qui conclue le film ou encore parce que la réalité s'incruste dans ce qui est censé être fiction bien plus fortement qu'on ne le pense, on ne sait plus où est la mort où est la vie, ce qui est vrai, ce qui est faux.


Leos Carax ne fait rien comme tout le monde et je sais ô combien ça en éverve des tonnes parce qu'il parlerait d'une mort du cinéma ? Peut-être. En tout cas il montre combien voulant tendre vers le réalisme tout en tendant vers la disparition des machines pour créer l'illusion totale, le cinéma rend de plus en plus floue la barrière, pourtant forte de l'écran, entre corps vrai, corps rêvé.


Dans toutes ces scènes, qui sont autant d'embryons de scénarios, comme avortés oubliés, on découvre aussi un hommage, une ôde à l'acteur, celui qu'est Denis Lavant mais aussi ceux que sont tous les acteurs, les porteurs des rôles, les transmetteurs d'histoires, de réel, de fiction. Responsables des engrenages de leurs personnages, s'y lançant à corps perdu, rompu... Et puis parce que plus que dire que le cinéma est mort, il dit la difficulté d'écrire, celle de décider un chemin à suivre, un film à écrire et rend hommage, à travers les différents rendez vous de Monsieur Oscar, à tous les cinémas.Du drame, magnifique scène entre un vieil homme mourant et sa nièce, au film plus social, un père et sa fille, un soir dans une voiture en passant par la comédie musicale, touchante et troublante scène avec Kylie Minogue, ça aurait pu être ridicule ça ne l'est pas, tous les genres y passent.


Je n'ai pas mis 10 pour finir parce qu'il reste des choses auxquelles je n'ai pas totalement adhéré mais 9 c'est déjà extraordinaire pour un film que j'ai vu se dérouler comme un rêve, celui du cinéma où les corps couverts de balles se relèvent, où l'on essaie toujours d'éliminer son double, où l'on se réinvente pour mieux se perdre, se retrouver peut-être aussi. C'est dans l'absurde maîtrisé que le cinéma puise sa plus grande force, dans les images qui troublent et qui racontent l'identité, la vie, la fiction comme jamais elle n'ont été montrées. Souvent troublant, parfois magique, un film que je ne suis pas prête d'oublier...

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le 4 sept. 2012

Modifiée

le 4 sept. 2012

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eloch

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