"HOSPITAL présent les activités quotidiennes d'un grand hôpital en milieu urbain, notamment le service des urgences et le centre de traitement ambulatoire. Les cas décrits illustrent comment l'expertise médicale,la disponibilité des ressources, les considérations organisationnelles et la manière de communiquer entre les employés et les patients affectent la qualité des soins apportés."
Si peu.
Comme l'introduit la scène initiale d'opération chirurgicale, coupée à l'instant où le scalpel ouvre la chair, il s'agit de tranches de vie. Une litanie de la misère qui se déverse dans les urgences, refuge ultime d'une société sans solidarité. Ce film est un flot de souffrance qui se déverse sur le spectateur, un rouleau compresseur moral. Il ne permet pas de débuter l'analyse d'un milieu de travail, sous les aspects détaillés dans la présentation de la jaquette du dvd citée ci-dessus.
Je lisais, peut-être au début de "Tristes tropiques", que la caméra serait un outil incomparable dans les futures observations ethnologiques. Elle est utilisée en éthologie.
Les éthologues passent des années à observer des groupes, suivant avec attention les faits et gestes quotidiens dont le sens leur échappe partiellement, avant d'y deviner des interactions sociales complexes.
Ils s'efforcent d'éviter un filtre de sélection a priori des faits observés, et notent avec une démarche de neutralité et d'exhaustivité (mais aussi la répétition d'occurrences de comportements classifiés, dans un but statistique).
A l'inverse, Wiseman ne dispose que d'un temps d'observation très limité, et la pertinence potentielle des observations collectées ne repose que sur une sélection improvisée, en fonction de critères non explicites, ce qui ne peut la plupart du temps aboutir qu'à renforcer les préjugés qui ont guidé la sélection des images filmées.
Ce qui aboutit ici en gros à un enchaînement d'images choc et de situations émouvantes.
On n'a pas le temps de débusquer les mécanismes à l'oeuvre sous la surface (lisse ou agitée). Seules les confidences spontanées devant la caméra (multiples filtres : leur témoignage, sa mise en scène pour la caméra, puis le montage) laissent transparaître les relations extérieures et les conditions qui les ont conduits là. Wiseman n'interviewe jamais. Il influence le moins possible, ne guide pas les gens observés. En conséquence, il n' investigue pas.
Sa méthode béhavioriste ne facilite pas le déchiffrement des images. Les gens sont des boîtes noires, sauf à titiller nos plus évidentes cordes sensibles.
Il filme sans scénario. S'il a fait des recherches préalables, il n'en partage pas les résultats. Il laisse le monde se dévoiler devant sa caméra.
D'un côté, cette démarche "immanentiste" laisse libre le discours du spectateur sur le film, libre son travail d'induction. Mais sans aucune clé, il ne peut être que très limité. Des portes sont-elles (vraisemblablement) restées fermées? A nous de le deviner.