L'apocalypse est arrivée et a téléporté New York au fin fond d'un désert rocheux, genre le sud de l'Espagne.


Juliette conduit un camion, elle est chargée de trouver des vivres pour nourrir les 36 membres de son groupe de survivants ("Non, maintenant c'est 39" corrige son pote à la radio).
Après quelques péripéties insignifiantes mais symptomatiques de la faiblesse de l'écriture (genre chercher du loot dans un bâtiment qu'elle a de toute évidence visité 50 fois); elle manque un virage, part en tonneau et se réveille quelques heures plus tard dans son camion posé sur le toit, avec la jambe en vrac, et surtout il fait nuit.


Et la nuit, les eunuques maigrichons anthropophages de l'apocalypse règnent en maîtres sur le désert.
Juliette va passer la pire soirée de sa vie à essayer de ne pas se faire bouffer par celui qui zone autour de l'épave du camion.


[spoilers]


Son calvaire est rythmé par des lacunes d'écriture gênantes. La radio ne marche pas quand il faut, se met à beugler quand il ne faut pas, et grésille seulement lorsque l'interlocuteur donne des infos importantes.
Une emphase est mise sur le flingue qui a été éjecté hors du camion, mais en fait c'est pas grave, elle le récupère facilement avant d'en avoir eu besoin.
Juliette arpente cet univers depuis des lustres mais apprend au milieu du film, par son pote à la radio, que les créatures peuvent être éloignées en leur braquant une lampe dans la tronche.
Mais s'il suffit de ça, pourquoi la mission de sauvetage aéroportée est annulée quand Juliette dit à la radio qu'il y a UNE créature qui rôde près du camion ? Les types ont des hélicos mais pas de projecteurs ?


Bref, l'univers du film est bancal, les péripéties mal écrites, mais le pire reste à décrire.


L'action est entrecoupée de flashbacks malaisants qui racontent la relation "amoureuse" de Juliette avec un mec de Sous Le Soleil, à l'époque où New York n'était pas encore devenu le désert marocain.
Le film cherche à faire de ces analepses, parfois miroirs de l'action de manière très "1er degré", des moments fondateurs de la psychologie de l'héroïne. Mais l'inconsistance du personnage de Juliette au fil de ces flashbacks (tour à tour inconnue espiègle mais inculte, victime de violences, junkie amorphe puis hystérique, bourgeoise éteinte subitement dyslexique ...) ne fait que placer en permanence son "amant" en position d'autorité, pour éduquer, soigner, recadrer, maîtriser la jeune femme.


Tel un Colin Trevorrow provençal, le réalisateur Mathieu Turi semble convaincu que la caractérisation d'une héroïne forte se résume à lui mettre un flingue et un volant dans les mains, pendant qu'un vrai bonhomme lui explique où est sa place dans l'ordre naturel des choses (spoil : à la maison, avec un gosse, sans se droguer).


Et tous ces doux moments du passé sont subtilement reliés entre eux par un leitmotiv : elle ne lui a jamais dit "je t'aime", alors que (selon l'angle adopté par le film) lui a tout fait pour elle et est mort à cause d'elle.
Et ce "je t'aime" jamais prononcé se révélera comme étant l'enjeu même du film.
Dans un final qui confine au ridicule, Juliette déclarera enfin, par le biais d'une ineffable procuration, son amour à son défunt amant malsain.


Un dernier flashback souligne à mort les liens set-up/pay-off, en convoquant la notion de destin, avant de terminer sur le (très fortement suggéré) suicide hors-champ de l'héroïne.
Alors que le monstre était vaincu.
Et que l'aube était enfin arrivée.


Et voilà. Si je ne suis pas trop stupide, le sous-texte c'est que tout ce que Juliette a enduré (l'apocalypse, le désert, les eunuques anthropophages ... ) était son purgatoire, son calvaire pour ne pas avoir dit "je t'aime" à un compagnon toxique et abusif. Et elle ne trouve la rédemption et le repos qu'après l'avoir fait.


Je trouve ça un petit peu lamentable et j'aurais aimé avoir un éclaircissement du réalisateur, venu présenter son film aux Utopiales, mais il ne s'est malheureusement pas expliqué sur le fond du propos de son film.

Laaris
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le 1 nov. 2017

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Laaris

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