Ce film parle d’abord d’un flic et de son problème : il est tellement fort qu’à côté, ses collègues n’en peuvent plus, il n’est vraiment pas facile pour eux de supporter la comparaison, comme on dit. Et puis, sur un plan personnel, c’est pas la joie, son histoire avec sa meuf se termine, car il s’occupait manifestement plus de son boulot et de sa plante que d’elle. Rédhibitoire. Va falloir qu’il remonte la pente, ou qu’il change. Alors ses chefs, qui comme tous bons chefs s’intéressent au bien être de leurs subordonnés, ses chefs donc vont lui trouver une solution, pour lui permettre de prendre un peu de recul et d’aller vers une vie plus épanouie.

On ne s’en rend pas trop compte, mais quand on est trop fort au boulot, on fait des jaloux, et les autres, les médiocres, forcément, ne vivent pas bien la situation. Alors on te jette, on t’envoie au placard. C’est un peu ce qui m’est arrivé, il y a quelques années, j’étais tellement brillant qu’on a fini par me muter de force, sauf que moi, c’était pas la campagne, mais un coin vraiment difficile, d’autant plus que contrairement à Nicholas, le personnage incarné par Simon Pegg dans ce film, je n’ai pas eu le droit d’utiliser la force pour rétablir l’ordre, c’était encore plus dégueulasse que ce qui lui arrive ici. Désolé pour ces considérations personnelles, mais voilà un film ancré dans le réel qui pose de vraies questions : jusqu’où aller dans son investissement au travail ? Doit-on essayer d’être parfait ? Et à quel prix ? Comment ménager ses collègues ? Quel équilibre trouver entre vie professionnelle et vie privée ? Que privilégier ? Un film qui permettra peut-être à ceux qui usent un peu trop la corde de réfléchir et de prendre conscience de la réalité, avant qu’il ne soit trop tard. Un film potentiellement salvateur, donc.

Notre héros surdoué est donc envoyé dans un bled de campagne où le premier poivrot qu’il rencontre n’est autre qu’un flic, de surcroît le fils du chef de la police, et qui sera ensuite son coéquipier. Mais c’est Nick Frost qui, après Shaun of the dead, s’est reconverti et est devenu flic, il lui fait des grosses blagues avec du ketchup, alors Nicholas lui pardonne.

Malgré tout, et c’est là qu’on voit l’influence de William Sheller, « Nicolas, il veut pas qu’on l’emmène, tout ce qu’il a dans la tête, c’est qu’il veut rentrer chez lui ». C’est un citadin, il aime le boulot, et s’il est attentif à tout ce qui peut se passer, il craint ferme de s’ennuyer à la campagne. Et même s’il mange du bio, il n’a manifestement pas écouté ou bien intégré le discours de L’hymne de nos campagnes de Tryo. On pourrait croire que la campagne c’est l’air pur ou la liberté, mais Nicholas peut-il être enfermé dans cette Cage ? Les scénaristes ont-ils construit le personnage stéréotypé que l’on voit trop souvent ? Je vous le demande, mais ne comptez pas sur moi pour vous donner la clef, même si, dès le début du film, on peut déjà présager de l’évolution du personnage.

Va falloir qu’il s’adapte un peu, Nicholas, mais jusqu’où ? Parce qu’il arrive quand même chez les flics les plus cons du monde, et c’est pas peu dire ! En plus, ils sont super nombreux dans ce petit village sans problème de Sandford : y a encore du fonctionnaire à supprimer au Royaume-Uni ! A se demander si Thatcher est bien passée par là. A défaut de bosser, va-t-il au moins tenter de rendre ses collègues un peu moins cons ? Et réussir ? Pour une gageure, c’en est une, mais notre héros n’a peur de rien, évidemment. C’est en tout cas une des questions clefs du film.

Et puis, ce village est quand même un peu bizarre, un village où on tolère les jeunes dans les pubs, où l’on exerce de cette curieuse manière le contrôle social, pour que le bled en question garde son titre de « village de l’année ». Un village où la moitié des habitants commet de petites infractions, mais où, dieu merci, il n’y a ni meurtrier ni psychopathe. On est dans le déni de la réalité ! Heureusement, les scénaristes veulent montrer que ce qui se passe en campagne peut bien valoir les horreurs qu’on attribue au milieu urbain. Je ne vous en dis pas plus, mais c’est une œuvre salutaire, encore une fois, avec un message politique sans ambiguïté.

Je me dois tout de même de signaler quelques curiosités dans le scénario, amenant notamment ces deux questions :
Peut-on être flic, gros, et un peu con ?
Peut-on être flic, fort, intelligent, et boire du jus de canneberge ?
Je dois dire que je suis un peu dubitatif. L’écriture de certains personnages laisse un peu à désirer. Un des rares points faibles du film.

Au final, les jeunes du village vont aider Nicholas dans sa quête, ce sont eux qui vont l’aider à remettre un peu d’ordre dans ce village de vieux cons. Faudrait peut-être envoyer des jeunes expliquer aux toubibs demain que le tiers payant permettra à des gens de ne pas avancer le prix de la consultation, et donc de venir chez le toubib plutôt que de rester crever à petit feu chez eux… Hippocrate, vois ce que certains font de ton serment. Je sors une nouvelle fois de la route, veuillez m’excuser, mais ce film est si riche qu’il provoque une infinité de réflexions toutes plus stimulantes les unes que les autres.

Bref, Hot Fuzz est un film sympathique qui, sans se prendre au sérieux vous amusera si vous vous laissez faire, tout en abordant des questions universelles qui touchent à ce que nous sommes et à ce que nous faisons sur cette foutue terre. Divertissement et réflexion, que demander de plus ? Un film à offrir au moment de Noël, on ouvre la hotte, et, n’en doutez pas un instant, les vannes fusent. Quoi de mieux pour détendre l’atmosphère dans cette période chargée ? Une pastille drôle, fraiche et revigorante.

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le 14 mars 2015

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socrate

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