Profitant d’une sublime bande originale punk et krautrock, How to talk to girls at parties s’avère être un mélange peroxydé entre la romance SF et le feel good movie musical. Un peu inégal, pas aussi transgressif qu’il aurait pu l’être, le film n’en reste pas moins une bluette punk qui magnifie la construction d’un soi par l’ouverture aux autres et l’envie de briser les frontières de nos certitudes.


Tout comme avec Shortbus, John Cameron Mitchell continue à vouloir ratisser large, utilise le cinéma comme vecteur de l’émancipation d’une conscience pour s’ouvrir au monde et s’affranchir des critères qui nous définissent au premier coup d’œil. How to talk to girls at parties, tout comme Sense8, détient un esprit fédérateur, voulant détruire toute forme de déterminisme, valorise la pureté de l’expression émotionnelle sous toutes ses formes, et fait de la liberté, le maitre mot du destin de cette jeunesse britannique.


Au-delà du mouvement punk 70’s, le cinéaste tourne de nouveau son regard vers les marginaux de tous horizons, de ces ostracisés de la société qui finissent dans les caniveaux, de ces jeunes punks bariolés chantant à tue-tête des refrains « catchy » et qui veulent faire la révolution avec l’argent de poche de leurs parents. Alors qu’une bande de potes voulait se rendre à l’after d’un concert, ils vont par mégarde se retrouver dans la maison d’une tribu d’extraterrestres, aux traits humains et aux allures de secte mystique sadomasochiste. La rencontre va faire des étincelles : l’un des humains, Enn, et l’une des aliens, Zan, vont alors tomber amoureux pour faire naître une romance punk, qui va largement déborder sur le sujet de l’amour et la construction de chacun.


How to talk to girls at parties est une œuvre hybride, et déjantée qui fait convoque un vaste imaginaire commun : on pense irrémédiablement à Gregg Araki avec ce visuel clippesque faisant cohabiter la SF et le teen movie pop, à Edgar Wright avec cet humour et cette ambiance très british ou même petitement à Under the Skin avec ce jeu aliénant et robotique d’Elle Fanning qui campe une extraterrestre en quête d’aventure et de découverte.


Derrière ces vestes en cuir et ces pin’s anti système, ou cette course contre la montre face à un patriarcat cannibale, se cache un propos bien plus grand, que ce soit sur l’amour trans genre ou sur la fusion des communautés par le biais de cette allégorie sur le Brexit et ses frontières avec le monde. John Cameron Mitchell, qui raconte le récit de parents extraterrestres qui dévorent leurs propres enfants, se sert de l’humour, la musique, et d’une imagerie adolescente à la Skins pour crier son amour jouasse pour la collectivité et le rassemblement.


L’utilisation concomitante de la culture punk et de la pensée extraterrestre pour parler de la rébellion des marginaux est prenante. C’est frais, pétillant, parfois tendre avec une Nicole Kidman en ancienne punk gothique un peu cheap qui rayonne à l’écran : mais bizarrement ça manque de peps, ça manque d’un laisser aller qu’on avait pu entrevoir dans Leto de Kirill Serebrennikov. Au regard de la folie, de la sensualité érotique (voire plus) de Shortbus, on aurait pu croire qu’How to talk to girls at parties serait un peu plus transgressif que cela.


Inégal dans son rythme, un peu décousu dans un scénario en friche qui divague sans toujours accrocher, un peu trop convenu dans la caractérisation de ses personnages, le film de John Cameron Mitchell arrive tout de même à mélanger, non sans émotion, cette romance punk avec le sectarisme pessimiste des aliens pour en faire une ode à la compréhension de ses envies, à l’interaction perpétuelle des peuples et au libre arbitre des « vivants ».

Velvetman
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le 22 juin 2018

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