Human Lanterns
6.7
Human Lanterns

Film de Sun Chung (1982)

"C'est prendre des vessies pour des lanternes"

Je ne sais plus trop comment j'ai connu Human lanterns, peut-être sur Senscritique, dans une liste. En tout cas je me souviens que j'en avais vu la fiche, que les notes étaient autour de 5, mais que j'étais toujours un peu tenté, rien qu'à cause du titre, qui est en fait la seule raison pour laquelle je me suis penché sur ce film.
On s'imagine des gens qui servent de lanternes, voilà, c'est tout. Et ça suffit. Je savais même pas comment étaient conçues exactement ces lanternes, peu importe, je ne me renseigne plus trop maintenant.
Disons que le film n'était pas dans mes priorités, surtout vu la note, mais une personne qui m'a proposé de me prêter le DVD m'avait dit que le héros était un salaud, et qu'il se demandait "mais, c'est le héros ? Comment il peut faire des trucs comme ça ?", ce qui m'a intéressé puisque lorsque j'ai rédigé mon avis sur Game of thrones, je m'étais fait la réflexion qu'on n'avait pas assez de héros antipathiques dans les fictions.
Je n'avais qu'Herbert West en tête.

Bon, même si dans ce film la frontière est un peu brouillée, comme prévu, entre méchants et gentils, les héros ne sont pas aussi antipathiques que le protagoniste de Re-animator. En fait on n'insiste pas trop sur leur immoralité, ou tout simplement sur eux, donc si on ne me l'avait pas dit, je n'aurais pas trop fait attention.
Les deux rivaux ne sont pas tellement des gros connards, juste des riches qui se croient tout permis. Et vu l'époque féodale dans laquelle ils vivent, leur comportement ne m'a pas paru inhabituel pour des seigneurs qui peuvent faire un peu ce qu'ils veulent, ont pleins de serviteurs à leurs pieds, et la possibilité que la police soit souple avec eux.
Ils ont la belle vie, une grande demeure chacun, qui confèrent rapidement au film un environnement très beau, chic, auquel se joint une esthétique appliquée.
L'image est colorée, mais très claire aussi, car il y a souvent un éclairage fort, quoique doux, qui projette un léger halo blanc sur les personnages et leurs costumes.
Les premières minutes sont sublimes, déjà grâce aux décors, mais ils sont aussi utilisés dans des plans étonnamment bien composés.
Le seul défaut, c'est l'abus de la très courte focale plusieurs fois dans le film, que ce soit pour ajouter un caractère bizarre à l'image, ou sans raison bien claire.
L'ambiance musicale est à l'image de celle visuelle, zen et classe.

Je suis certainement étonné par cette application dans la photographie du film parce que ça semble en décalage avec un sujet qui ne donne pas l'impression d'être noble. On parle d'un film avec des lanternes humaines, le titre est là pour nous l'indiquer avant même de commencer le visionnage (je ne sais pas ce qu'il en est pour le titre original), car sinon, hormis les visions d'horreur lors du générique du début, rien ne permettrait de s'en douter.
Au départ on assiste à des fêtes entre ces riches arrogants. Il y en a un qui invite tout le monde pour montrer sa nouvelle acquisition qui fait sa gloire : une lanterne. Et les gens s'extasient devant. Chacun son truc, je suppose.
En fait il semblerait que ce soit en rapport avec un concours de lanternes ; je ne sais pas si ça fait partie de leur culture ou si c'est simplement propre au film, mais je me dis qu'on ne partage pas les mêmes valeurs.
Heureusement que Long le "héros" vient foutre un peu la merde dans cette réunion mondaine, rien que par l'adversité qui le lie à Tan. Il se pose déjà en adepte des blagues pourries : "c'est prendre des vessies pour des lanternes" ; bien plus tard à "qui sème le vent récolte la tempête" il répond que son ennemi lui a mis "le vent en poupe". Encore mieux, il se moque de son adversaire comme le ferait un gamin, à savoir en disant de sa femme qu'elle salit le verre d'alcool qu'elle lui propose avec ses doigts puent, et que le mari est le seul à accepter sa puanteur, ou encore en narguant ce dernier en disant que la hauteur depuis laquelle il saute est "du pipi de chat". Je ne sais pas si ce sont les sous-titres qui prennent une certaine liberté ou si les répliques originales sont du même niveau, et je ne parle pas le mandarin donc je ne peux savoir. Le mot "gagne-pain" à un moment remplacé par "gagne-riz" laisse à penser que le traducteur s'est amusé, mais comment savoir à quel point ça touche le film ?

Human lanterns semble quand même assez rigolo à l'origine.
Le grand méchant est un homme à masque de squelette en papier mâché, que je trouve superbe et dont j'ai savouré chacune des apparitions. Surtout que le personnage se déplace comme un singe, fait des roulades, se suspend en hauteur, grimpe les armes à une vitesse folle, et prend la pose des fois. Et en plus de cela, pour souligner son côté "primate", il a un rire démoniaque de sale fourbe qui fait penser à celui d'un macaque.
Il y a aussi quelques expressions faciales hilarantes, que ce soit le vilain qui rit de façon machiavélique après avoir dit qu'il se sert "de peaux humaines, je crois", ou, face à cette déclaration, le vieux fou un peu débile et guignolesque qui prend un air effrayé risible en balançant en l'air tous les objets qu'il a en main.
Comme la plupart des films asiatiques de l'époque j'ai l'impression, une grande partie est aussi consacrée aux combats. On retrouve l'exagération habituelle dans les capacités des personnages : aussi légers qu'une plume, ils peuvent sauter sur des éventails, sur des nénuphars, et dans leurs chutes ils se retrouvent dans des positions improbables qui dévoilent la présence d'un filin même si on ne le voit absolument pas.
Mais j'ai pris ça sous un angle comique.
Le pire reste tout de même le fait qu'un personnage reste suspendu presque à l'horizontale, dans les airs, simplement parce qu'il a un pied enroulé autour de la chaîne qui tient des lanternes.
Les combats ne sont pas vraiment impressionnants, ou alors peut-être que c'est parce que j'en suis blasé, avec ce qu'on peut voir de nos jours. Enfin pour moi ça ressemblait comme trop souvent à une série de poses et de démonstrations de kung-fu plutôt qu'à de vrais combats. Mais c'est un reproche que je fais à la plupart des films de ce genre, il y a toujours une certaine dose de facticité.
La fin fait peut-être exception, elle est un peu plus théâtrale, et il y a une bonne utilisation des décors. Sauf évidemment au moment où la caméra est près du sol, et qu'on voit les dalles bouger comme un tout quand un personnage saute dessus, dévoilant qu'il ne s'agit que d'un faux dallage installé sur l'herbe.

L'horreur, en réalité, est très (trop) peu présente. Ca partait bien avec la première "femme lanterne", elle se fait verser ce que je pensais être du métal fondu dans la tête (en fait apparemment c'est du poison), puis, c'est horrible, elle se fait arracher la peau. C'est pas très bien fichu, mais l'idée est terrible ; quoiqu'apparemment, ce qui se révèle être du poison modifierait la peau de la victime, pour pouvoir s'en servir après, ce qui pourrait expliquer qu'elle se retire comme un film plastique.
A part ça il y a du sang qui gicle depuis un crâne, mais la coupure n'est pas crédible. On retrouve donc la scène que prévoyait la jaquette (quoiqu'à la voir, j'ai cru que ça se faisait dans la neige), mais pas le gore qu'elle laissait imaginer.
EDIT : A en croire ce que dit l'actrice Shaw Yin-Yin en interview, les scènes les plus sanglantes ont été censurées.
C'est encore moins dans le scénario qu'il faudra chercher l'intérêt d'Human lanterns ; ça se remarque surtout en seconde partie. On se doute bien de l'identité du grand vilain, mais on comprend que les personnages, eux, cherchent mais n'ont aucune idée de qui ça peut bien être. Et il n'y a aucun mystère, non pas seulement parce que nous, spectateurs, sachons qui est le tueur, mais aussi parce que le héros est vraiment trop naïf. Il ne se doute pas que le type qu'il a embauché il y a quelques jours, et humilié il y a des années, et qui est rentré chez lui par effraction récemment pour agresser sa femme, est probablement l'ennemi qu'il recherche.
Même la femme du héros, face à son ravisseur, lui demande si il en veut encore à Long, après tout ce temps. Quelle question ! Il l'a défiguré et volé son épouse !
Enfin il faut que quelqu'un, comme par hasard, fasse allusion aux "lanternes humaines" en blaguant sur la disparition du grand-père de quelqu'un, disant "qui voudrait de sa vieille peau ?", pour que le personnage principal comprenne enfin.
Le seul mystère du film, ce serait : mais pourquoi le coupable est intervenu au moment où les deux rivaux, qu'il a piégés, croient chacun que l'autre est le meurtrier/kidnapper et cherchent à s'entretuer ?

Tout ça pour des lanternes, en fait. Et, contrairement au héros, je ne les ai pas trouvées si belles que ça. Ca vaut pas le coup de tuer des gens.
Human lanterns n'est pas à la hauteur de son titre ou de son affiche, comme c'est souvent le cas, et en même temps j'avais de quoi m'y attendre.
Même si au bout d'un moment, une fois passées les surprises, il y a une baisse de régime, je ne me suis pas ennuyé dans l'ensemble.
Les images ainsi que les décors, très variés puisqu'on passe d'une demeure de seigneur à une fabrique de lanternes remplie de grosses roues à dents, sont impressionnants.
J'adore aussi le masque du méchant, vraiment, j'ai dû prendre une vingtaine de screenshots. Rien qu'au début, quand il fait des bonds au ralenti en secouant les bras, c'était fabuleux.
Un beau film plus qu'un bon film, mais rien que pour ça je ne serais pas contre le revoir, ou du moins en revoir des extraits.
Fry3000
6
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le 10 oct. 2011

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Wykydtron IV

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