Sans y être allé en traînant les pieds, j’admets que j’étais dubitatif, surtout après avoir revu la veille l’énorme Battle Royale, toujours aussi puissant dans son optique de confrontation des générations. Ici, il n’est pas du tout question des mêmes objectifs. Le tribut de chair adolescente est ici un symbole de soumission des différents districts, qui célèbrent leur perte par un geste sacrificiel, ici totalement inutile puisque nos adolescents sont sensés être sacrifiés dans la semaine qui suit leur sélection. Mais le jeu télévisuel, bien que très artificiel (les populations pauvres (ils peinent à trouver à manger) regardent le jeu sur des écrans géants...) semble être au cœur du film, qui articule alors beaucoup de thématiques autour de ce concept jouissif (les combats à mort, c’est la compétition ultime). Et c’est là que le film peut réussir à surprendre. En effet, l’esthétique toc et clinquante du film est héritée directement des navets clippesques que j’adore détester, type Sharpay’s fabulous adventure ou 17 ans encore. Bref, on est en mode « on se la pète », mais là où les films précédemment cités se heurtaient à l’écueil de notre mépris, Hunger games parvient à trouver des connections qui rendent l’univers cohérent. Dans sa recherche monstrueuse de style (l’univers de mode est cohérent, rappelant presque Orange mécanique pour le décalage), le film rend sa société utopique toc, qui sonne faux, ce qui s’accorde à la fois sur le thème de l’esthétique (tout n’est qu’apparence) et sur ses fondements du jeu Hunger Games, comparable à une sorte d’écurie télévisuelle pour jeunes stars. On a l’impression d’être spectateur une émission de télé-réalité teen, un enjeu plutôt inattendu (quoique pas forcément attirant pour tous les publics) et pas mal géré, notamment dans le recours constant à l’avis des sponsors. Le choix de l’univers visuel est bancal, mais il finit par payer, à défaut d’être développé (il n’existe que visuellement), notamment parce qu’il enlaidit les protagonistes (qui se la pète grave pendant leurs shows, à l’exception de l’héroïne, au moins au début) et que son ambiance est en énorme décalage avec le jeu en question.

Sinon, ce style a également ses fautes de goûts bien baveuses, notamment en la personne de la mentor de l’équipe du district 12. Une femme toujours fardée qui s’habille à la mode de sa ville, et qui chose rare, arrive parfois à trouver un certain équilibre dans son style vestimentaire. Cette femme doit être montré comme une sorte de Dolores Ombrage dans le film, et par conséquent, le film la tourne toujours en dérision, avec parfois un total manque d’objectivité. Notre héroïne se pavane dans une robe qui fait des flammes quand elle tourne, du coup sa robe est belle, mais celle de la recruteuse, non (alors qu’elle est exactement du même accabit, voire peut-être plus sobre). La complaisance finit par agacer, à moins que le public ne se focalise que sur ce qu’il voit et considère définitivement la recruteuse comme une sorte de bourreau alors qu’elle n’est qu’un produit à peine plus bavard qu’un autre habitant de la capitale riche. Le film est également énervant pour son recours régulier au Deus Ex Machina. Dès qu’un de ses deux héros (un gars et une fille) se retrouve coincé, il se passe un évènement qui le sort de ce mauvais pas sans trop de dégâts. Notre héroïne se retrouve bloquée dans un arbre par une bande de jeunes vicieux ? Il y a un nid de guêpes dedans, et du coup elle va pouvoir leur lancer dessus (mais elle se fait piquer un petit peu…), notre héroïne a le couteau sous la gorge ? Un gentil ado vient la sauver parce que l’autre tueuse a tué précédemment sa copine, et du coup il vient se venger. Enfin, la fin n’est qu’un énorme Deus Ex Machina, une belle fumisterie qui annihile toute la profondeur dramatique par sa timidité décidément très teen, qui veut un happy end (et j’imagine que le bouquin était de ce bord là lui aussi).

Nos têtes d’affiches souffrent un peu, mais en ce qui concerne les autres participants, on aura droit à un petit massacre très mal filmé pour en diminuer l’impact graphique. Peu auront la chance d’avoir un développement de personnalité, ce qui est apparemment le défaut du film selon les lecteurs (à part le district 12, aucun ne bénéficie d’une parenthèse culturelle conséquente). Enfin, niveau sentiment, c’est le lot quotidien des productions adolescentes, un gars, une fille, ils finissent par tomber amoureux, ce sont des amants tragiques. Enfin, mon dernier regret est l’arène de combat. En effet, il s’agit d’une zone de combat assez étendue, que les organisateurs manipulent à volonté en y insérant des éléments par ordinateur. Le concept est jouissif, mais le tout est très mal exploité. D’ailleurs, on ne saura jamais si ce que nous voyons sont des trucages numériques ultra réalistes ou si nos organisateurs créent vraiment des formes de vie sous nos yeux (auquel cas, ils sont complètement abrutis pour utiliser pareille technologie d’une façon si inutile). Et cet aspect est finalement assez mal exploité, pimentant à peine le jeu de quelques séquences à peine spectaculaires.

Au final, Hunger games se regarde (pour un film d’adolescent), mais il est loin de transcender son script, les scènes de combat n’ayant rien de jouissif (quand elles ne sont pas mal filmées, elles sont cadrées trop près) et nos personnalités adolescentes restant passe-partout. Cependant, quelques idées sur les techniques pour plaire aux sponsors et de gentils sentiments sauvent le film de la médiocrité, faisant dès lors un film convenable pour le public adolescent, même si il reste un peu plus aseptisé que d’autres (sur le domaine de la télé réalité, on pourra notamment citer Live ! qui demeure encore pour moi la référence cynique de l’univers télévisuel). En bref, le film ne déçoit pas trop (malgré ses fautes de goût agaçantes), mais inutile d’aller le voir en salle, ça coûte un peu trop cher.
Voracinéphile
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le 15 déc. 2013

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