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On pourrait dire que I spit on your grave s’inscrit dans une sorte de continuité face aux remakes actuels. Dans le sens où celui-ci ne se démarque pas mais fait quand même son petit bonhomme de chemin. La violence y est encore une fois gratuite, comme trop souvent, et là on où aurait pu percevoir quelques croisades anti-viol évidentes, on se méprend. Vu que c’est tellement cru, bestial et inhumain, on peine surtout à se détacher du calvaire de la protagoniste plutôt que de trouver des issues explicatives et sociétales. Bien entendu, ce film ne fait pas l’apologie du viol, nous sommes d’accord. Mais là où je veux en venir, c’est qu’on est tellement dans l’inéluctable dégueulasse et cruel gratuits qu’on a du mal à faire la part des choses. C’est un procédé comme un autre pour nous démontrer à quel point l’humain peut être horrible, à quel point le viol est un acte grave et dont on ne se relève pas sans séquelle, mais il aurait été possible toutefois d’être moins maladroit en nous démontrant par A + B que le viol est un crime dévastateur tant pour la victime que par l’auteur.
Et ici, l’auteur prend un s, puisqu’ils sont tout bonnement cinq. Et rien ne nous épargne : ça monte crescendo. Au début ça part d’un « simple » cambriolage qui tourne mal. Jennifer n’imagine pas la suite des événements puisqu’au début, ses bourreaux rentrent chez elle, lui réclament de l’argent, puis commencent à la tenir (aussi bien physiquement que psychologiquement) pour que celle-ci se perde, perde son âme et réalise tout ce qu’ils veulent obtenir d’elle : une imitation de fellation (sur un pistolet), des hennissements… Puis viennent les faveurs sexuelles. Elle réussit à s’échapper au petit matin. Par chance, elle trouve le shérif. Celui-ci est de mèche avec les quatre comparses et continue la descente aux enfers de notre héroïne… Il la fouille, la traite de menteuse et la viole carrément avec les autres hommes qui les rejoignent.


La scène de viol étant particulièrement insoutenable pour plusieurs raisons : tout d’abord sa longueur. Cette scène dure plusieurs longues minutes pendant lesquelles nous sommes confrontés à des « jeux » sexuels très peu communs : une sodomie dans une flaque d’eau où la victime a la tête dans l’eau, forcée à se laisser faire sans respirer, le tout en étant filmée. Ils la prennent tour à tour. Bon certes, ce n’est pas aussi gerbant que le viol de Monica Bellucci dans Irréversible, mais on n’est pas loin de tourner de l’œil non plus. Ensuite, la cruauté des actes perpétrés y sont pour quelque chose dans le côté insoutenable du viol. La victime n’est plus humaine, d’ailleurs, les violeurs la prennent à de nombreuses reprises pour une jument qui doit manifester son contentement par des hennissements et surtout, qui a encore « plusieurs courses à faire » (comprenez : qui doit encore se faire violer par les autres, qui attendent bien sagement leur tour). Bref, ici, Jennifer est un objet, ou pire, un pantin qui fait ce qu’on veut de lui.


La seconde partie du film ne nous laisse pas de marbre non plus. Puisqu’elle signe le retour de la jeune écrivaine, son retour d’entre les morts mais aussi, et surtout, son retour parmi ses bourreaux. Et elle aussi, elle va se venger crescendo. Tout d’abord, elle va s’en prendre au plus faible de la bande, lui promettre un pardon. Alors qu’il en est tout autre. Puis le sort des autres se scelle également : ils vont eux aussi être massacrés (pas tués, massacrés, j’insiste) avec, comme dit plus haut, les mêmes procédés utilisés lors du viol en première partie de Jennifer. Le violeur cameraman qui n’a loupé aucune scène du viol va à son tour être filmé, mais surtout, il ne pourra plus fermer les yeux sur son sort. Vu que celui-ci va avoir les paupières accrochées ne le permettant même pas de cligner des yeux. Pour tomber encore plus dans le vice, vu que celui-ci adore regarder, pourquoi ne pas le laisser se faire bouffer les yeux par des corbeaux ? Les autres ne seront pas en reste non plus : celui qui lui a forcé à plonger la tête dans l’eau va mourir noyer dans une baignoire de soude, la tronche forcée par Jennifer, celui qui a symboliquement tué Jennifer aura les testicules coupées et enfin, le clou du spectacle est réservé au pire d’entre tous, le shérif, qui se fera sodomiser par une balle de fusil tiré à bout portant.


Evidemment, ce type de film pose la souveraine question du « et vous, qu’auriez-vous fait ? ». Cette question est elle-même posée par Jennifer au shérif dans le sens où si c’était sa fille, se serait-il comporté de la même façon ? Jennifer a cru être sauvée en voyant le shérif, celui-ci l’a tout bonnement envoyé se faire voir, et pire, s’est joint aux autres dans son calvaire. Alors forcément, quand même l’autorité, la figure protectrice, les forces de l’ordre ne bougent pas le petit doigt, on est tentés de faire justice soi-même. C’est le choix qu’a pris la jeune femme. Et elle donne dans la torture, dans la surenchère. Là encore, c’est gratuit, bestial. Certes, c’est plus réfléchi, plus mis en scène, mais le procédé est le même.


Malgré tout, I spit on your grave reste une bonne surprise. Comme dit plus haut, il ne sort pas des sentiers battus, mais se défend pas mal. Le film reprend les codes du rape and revenge et s’en sert plutôt habilement : Jennifer va être violée, c’est un fait, et la première partie du film joue sur cette certitude, vu que cet acte barbare est sans cesse repoussé : non il ne survient pas à l’arrivée des hommes dans le chalet de l’écrivaine. Pas dans la nuit non plus. Mais seulement au petit matin, quand celle-ci se pense sauvée en voyant le shérif. Résultat : on attend, la tension est palpable, on en vient limite à se demander quand ça arrivera, car après tout, on est là pour ça, non ? Rebelote à la deuxième partie : les bourreaux vont devenir victimes, et Jennifer va se faire attendre très longtemps. Bref, tension, malaise… L’ambiance est posée, on n’a plus qu’à attendre que tout se passe « comme prévu ». Le temps passe, et même la nature autour des protagonistes nous le rappellent : l’été est suivi d’un automne poisseux, dégueulasse.


Au final, on jouit (ahaha) d’une belle performance pour Sarah Butler, d’une photographie qui retranscrit les événements et qui est plutôt superbe. C’est le scénario qui se charge du reste.
Bref, un film à voir mais pas dans n’importe quelle circonstance (évitez les plateaux télé avec votre chère et tendre).

Szagad
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le 3 nov. 2015

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Szagad

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