Quand on a 12 ans, on ne s'imagine déjà plus des monstres sous le lit et pourtant on peut se prendre à croire dur comme fer à un fol espoir, à un mirage et l'on pourrait traverser monts et vallées pour cette idée, si possible avec ses amis. Comme un gris-gris, une amulette, un totem, des enfants vont placer leurs vœux les plus profonds dans une étoile filante qui passe sur des rails aériens. Sait-on jamais ! Recomposer sa famille écartelée, devenir une star du cinéma, épouser la jolie bibliothécaire dont on est amoureux mais aussi des soifs plus puériles comme devenir le meilleur joueur de Beyblade.
Le film se concentre sur deux jeunes frères séparés dans deux villes éloignées par le divorce des parents, d'un côté Koichi l'aîné vit avec sa mère et ses grands-parents, de l'autre Ryu le cadet est installé avec le père, musicien et éternel adolescent. Chacun vit sa vie, se manquant plus ou moins. Plus pour l'aîné qui ne rêve que de retrouver l'unité (imaginaire) d'antan, quitte à sacrifier toute une ville.

Kiseki se rapproche à l'évidence de Nobody Knows par sa focalisation infantile (mais pas puérile), leurs débrouilles et leur maturité et de Still Walking pour le discours sur la famille japonaise. Egalement, son second film After Life basait l'intelligence de son propos sur les souvenirs des défunts — "Je me souviens" — c'est à présent le choix d'un espoir sur celle à venir — "Je veux". A noter que le titre français "Miracle" change légèrement cet l'angle puisque c'est encore une fois le choix et la démarche qui importent, non le résultat.

Ce qui caractérise le cinéma de Kore-Eda est la luminosité de ses images, même les crépuscules ombragés de Maboroshi éclataient déjà de lumière. Alors que ses films défilent, son ton semble inexorablement s'orienter vers la fable urbaine, bourrée d'humour de de légereté, sans jamais sombrer dans des effets par trop faciles. Bien au contraire, la noirceur de ses thèmes, la mort et l'absence, qui pointait dans Maboroshi ou Distance est toujours présente mais sert de sous-couche et donne aux couleurs pastels leur éclat diaphane si particulier. Les ombres ne sont pas un noir pur et naïf mais jeu de contrastes sur une palette claire au travers du regard d'enfants qui ne comprennent pas toujours le monde qui les entoure et dans lequel ils se languissent pourtant de grandir. Même Nobody Knows qui traitait sommes toute d'un fait-divers glauque était un film suave qui volait à mille lieu d'un quelconque misérabilisme.

Les acteurs et tout particulièrement le duo principal, vraie fratrie, mais aussi toute la bande d'amis jouent avec une justesse rare et précieuse. Il est évident à présent que le cinéaste japonais sait s'entourer de jeunes talents et que c'est dans la retenue qu'il s'épanouit réellement. Saisissant avec exactitude des détails de la vie quotidienne, des dialogues de collégiens, des échanges avec un grand-père complice, des biscuits au cheval ; par un discret mouvement de caméra, par un silence ou une petite ritournelle pop, il donne à voir des instantanés emplis de sincérité joviale. Ces moments se concentrent surtout dans la seconde moitié du film lors de l'escapade promise.

Sans morale, plein de tendresse, moelleux comme un karukan, innocent comme un dessin à la gouache à l'eau. Un film coup de cœur, enjoué et réjouissant.
Nushku
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces enfants livrés à eux-mêmes, Hirokazu Kore-Eda et Mélancolie estivale

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le 18 déc. 2011

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Nushku

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