Identicals
2.9
Identicals

Film de Simon Pummell (2015)

Brand New-U. Brand New-U. Brand New You.


La répétition dans son sens le plus large est un procédé qui peut-être utilisée comme puissante figure de style au cinéma. La répétition de phrases au sein d'un dialogue déconstruit peut refléter la confusion mentale. La répétition de thèmes musicaux a généralement pour ambition de participer à la cohérence de l’œuvre. La répétition de scènes, les flashs-back, se doit de mettre en résonance le présent de son personnage avec son passé. La répétition ad nauseam d'éléments de l'environnement du personnage peuvent souligner à quel point le système peut devenir étouffant (je pense ici aux publicités dans le Los Angeles de Blade Runner, "A new life awaits you in the Off-world colonies !").


Le réalisateur, Simon Pummell, a choisi de placer toutes ces variations sur le thème de la répétition dans son long-métrage. Le premier plan du film annonce d'ailleurs la couleur, puisqu'il s'agit d'une femme répétant en boucle quelques phrases dont le sens nous est pour l'instant mystérieux ("Someone else. Somewhere else. A better life."). A la suite de ceci, aucun des éléments cités dans la liste ci-dessus ne nous est épargné. A mon grand désespoir, aucun.


Le film fonde son identité sur cette esthétique de la répétition. Mes moyens cinématographiques sont assez limités, je suis donc incapable de me lancer plus loin quant à l'analyse de ceci. Que recherche exactement le réalisateur ? Est-ce une référence à la multiplicité des identités des personnages ? Autre chose ? Je ne peux pas croire que tous ces éléments soient des effets de styles seulement juxtaposés par le réalisateur.


Mais qu'importe la finalité, le résultat reste le même : la séance m'a été sacrément pénible. Oui, oui, douloureuse.


Premièrement, TOUTES les scènes comportent ce même abominable thème musical au violon... Il y a quelques variations par ci par là, mais 1h20 sur 1h40 avec la même musique, sorte de Hans Zimmer pauvre ont mis mes nerfs à rude épreuve. C'est bien simple, les 30 dernières minutes, l'écoute de ce violon me faisait violemment gesticuler sur mon siège et me tordre les mains.


Car à cela s'ajoute la lenteur de la mise en scène. Celle-ci se veut contemplative, s'attache à filmer ses personnages silencieux (toujours avec pour fond sonore cette foutue musique), leurs regards, leurs réflexions.


Filmer lentement, étendre à l'envi ses plans, est peut-être maintenant l'apanage des films d'auteurs, mais n'est hélas pas le gage d'un point de vue. Filmer du vide, je veux bien, la photo (dans ce style caractéristique de ce début des années 2010 qui ne jure que par le bokeh et une profondeur de champ la plus petite possible, beaucoup de choses à dire là-dessus, mais ce n'est pas l'endroit) flatte l'oeil. Elle est froide, mais rigoureuse, avec quelques plans bien mis en valeur (ceux des escaliers). Cependant étirer au delà du supportable la longueur de ses plans est pour ma part contre-productif, puisque cela ne fait que souligner le vide de l'intrigue et la platitude des personnages, mais on y reviendra. D'autant plus que de nombreuses scènes étaient accompagnés de ralentis aussi ennuyeux que répétitifs. On touche là à ma relation personnelle avec les ralentis. Un ralenti doit selon moi être utilisée avec parcimonie. Il est là pour capturer un moment de grâce, un instant éphémère précieux, un coup d’œil furtif et lourd de sens (fût-il comique, et là je pense au Big Lebowski, et la scène où Jesus passe devant la bande de rigolos au bowling). Rien de ce type ici. Utiliser aussi massivement les ralentis, et à si mauvais escient ne peut que retirer leur valeur.


Dernier fait, plus mineur, il m'a semblé que le mixage du son était loin d'être parfait : tous les sons étaient plus au moins au même niveau et peu hiérarchisés, ce qui pouvait être parfois pénible (sans compter cette foutue musique).


Voilà pour ce que j'ai perçu de la technique et la mise en scène.


L'histoire m'a quant à elle laissé froid, si ce n'est perplexe. De une, je me fous complètement des personnages, ils sont plats comme tout. La quasi absence de dialogue n'aide pas à éprouver la moindre empathie pour le couple de persos principaux. De deux, cette histoire... Outre le fait que l'usurpation d'identité est un poncif, on ne comprend strictement rien aux motivations de cette fameuse compagnie Brand New-U. Ni même les modalités exactes de cette usurpation.


Le film souhaite donc maintenir le spectateur dans le flou (artistique, oué, oué, on le saura), en ne s'attachant pas aux enjeux émotionnels présentés par l'histoire, mais seulement à sa symbolique, et autres abstractions abordées (identité, destin, et caetera). En témoigne ce climax, qui offre plusieurs niveaux de lecture, entremêle fantasme du personnage et réalité, le tout sur répétition de phrases prononcées antérieurement : la boucle symbolique est bouclée. Mais bon, vu que j'ai rien bité à l'histoire, ça m'est passé au-dessus de la tête.


En vrac, le scénario c'est un mélange entre Gattaca, The Game, Renaissances (oué oué, le truc sorti en 2015 avec Ryan Reynolds), Volte-Face et Fight Club. Mention spéciale à la scène du sniper, qui m'a fait penser à celle de Skyfall (mêmes lumières de building, même trou parfaitement circulaire dans la vitre, même appartement rouge en face).


Je ne mettrai qu'une note à ce film, celle qui vous torture les oreilles pendant 80 minutes.

simmer
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le 4 sept. 2015

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