Un bijoux ! Il va sûrement rentrer au panthéon des films qui m'auront le plus marqué dans ma vie. Plusieurs raisons à cela : premièrement j'adore les films contemplatifs, lents, qui rendent hommage à la beauté de la nature et là, ça remplit tous les critères ! Deuxièmement le style de narration. Troisièmement, et pour ce point je m'appuie également sur une interview de Frammartino que j'ai regardé dans la foulée, le film propose une vision philosophique qui est inédite pour moi.
C'est presque de "l'anti-cinéma", dans le sens où depuis ses débuts, l'homme est le sujet central du cinéma. On ne peut pas en vouloir au cinéma, qui est fait pour rendre compte du mouvement, et donc en particulier du mouvement de l'homme. Que filmer d'autres sans mourir d'ennui au bout de 5min ? Finalement, l'homme est LE sujet du cinéma presque par définition. Et cette culture de l'image que l'on côtoie depuis un peu plus d'un siècle, et dont le cinéma est évidemment partie intégrante, renforce l'égocentrisme de l'homme et le place au-dessus de tout, y compris de la nature.
Mais justement, dans Il buco, l'homme n'est pas le sujet central du film et c'est un immense tour de force, presque un virage dans l'Histoire du cinéma (même si on doit pouvoir trouver un certain nombres d'exemples antérieurs). Ici le sujet du film, le vrai personnage que l'on suit, c'est l'environnement dans lequel on est plongé, la montagne, le pré, la grotte, les vaches et les chevaux et... l'homme aussi ! Mais parce qu'il fait aussi partie de l'environnement. L'homme est donc mis sur un pied d'égalité avec tout ce qui l'entoure. D'ailleurs le seul visage qui est véritablement montré à l'écran et qu'on est en mesure de retenir après visionnage, c'est celui de ce vieux berger parce que c'est le seul humain qui se pose encore comme l'égal de la nature. Il se fond dans le décor.
La narration est donc très particulière (sans aucune parole intelligible et quasiment sans aucun visage à l'écran), mais je ne me suis pourtant pas ennuyé une seconde. Ce n'est pas un documentaire arte, ça reste un récit, loin des codes certes, mais avec un début et une fin, des péripéties et une tension. On évoque dans le film tout un tas de thèmes, on ouvre des portes et des pistes de réflexions tout en douceur.
Bref, un film visuellement splendide, riche en idée qui a profondément construit ma réflexion philosophique et cinématographique.
Un bijoux très personnel donc mais un bijoux.