Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce long métrage. Des années plus tard, maintenant que j'ai vu un certain nombre de westerns, dont les plus connus et célébrés, j'ai pu apprécier à sa juste mesure « Il était une fois dans l'Ouest ».


Je ne vais pas revenir sur les nombreuses citations et hommages de Sergio Leone envers ses prédécesseurs (John Ford, Fred Zinnemann, etc.). Sur-western et western crépusculaire à la fois, on ne peut comprendre ce long métrage sans avoir pris connaissance des films clés de ce genre, ni sans connaître toute la mythologie attenante.


Si dans mon souvenir, les westerns de Leone, et en particulier celui-ci, étaient violents, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en réalité « Il était une fois dans l'Ouest » est un film très nostalgique. A l'image de l'un des ses principaux personnages, le dangereux Cheyenne, bandit romantique qui semble perdu dans ce monde nouveau où l'argent est roi et l'honneur foulé aux pieds.


Par conséquent, je ne vais pas évoquer la brillante mise en scène de Leone ou les autres aspects révélant le savoir-faire indéniable de l'équipe du film. Je vais plutôt m'attacher à parler des 5 personnages principaux, qui représentent tous bien plus qu'un idéal-type, convoyant des sentiments et des visions du monde à travers leur rôle dans cet opéra de l'Ouest qu'est ce long métrage.


Tout d'abord, mentionnons la véritable héroïne de ce film : Jill McBain, incarnée par une Claudia Cardinale au sommet de sa beauté. Jill est la prostituée avec du cran par excellence. C'est « une dure ». Au fond, c'est quelqu'un d'intègre, que la vie n'a pas salie complètement. Elle a subi et subira encore bien des outrages, mais elle arrivera à ses fins. Tout le film tourne autour d'elle, les personnages principaux masculins se disputant peu ou prou son cœur, ou du moins ses faveurs. Une femme courage, non dénuée d'arrières pensées, qui s'avère être l'âme du film, et peut-être même ainsi de l'Ouest, comme semble le montrer l'un des tous derniers plans. En cela, Leone offre à Claudia Cardinale l'un des plus grands rôles de femmes dans un western, l'un des plus complexes aussi.


Autre personnage central : Morton, l'homme qui dirige et possède sans doute la compagnie de chemin de fer envahissant peu à peu l'Ouest américain. Prêt à tout pour assouvir sa soif de pouvoir, l'argent est pour lui son plus fidèle serviteur. C'est un nouveau venu dans l'Ouest, un « gentleman » aux « bonnes manières » qui conquiert les terres et les hommes non par son courage et sa vertu, mais par sa ruse et sa richesse financière. Machiavélique et lâche, il ne veut pas se salir les mains, c'est pour cela qu'il est indissociable et dépendant de son bras droit Frank, l'homme des basses besognes.


Parlons un peu de « Frank ». L''homme de main brutal et sans morale typique, prêt à tuer femmes et enfants se présentant sur son chemin. C'est un homme du passé, un homme du Far West en ce qu'il avait de fou et de sanglant, de sans limites. C'est un peu l'alter ego de Liberty Valance (Lee Marvin), dans le film éponyme de John Ford. Un homme prêt à tout pour maintenir son emprise sur les autres, voire même pour assouvir sa soif de violence. Un homme dans la force de l'âge et qui tente de comprendre comment aller dans le sens du vent, en s'associant avec Morton. Ainsi, Frank et Morton sont les deux faces d'une même pièce : passé et présent, violence déchainée et violence civilisée.


Venons-en à « Harmonica ». L'homme mutique et vengeur, animé par un dessein connu de lui seul. Taciturne, l'homme est aussi doué à l'harmonica qu'avec son revolver, mieux vaut ne pas le prendre à la légère. Leone réussit parfaitement à l'entourer d'un mystère qui ne sera dévoilé qu'à la fin du long métrage, ne rendant le film que plus poignant. C'est le héros du Far West par excellence : l'homme droit quoique brutal, en quête de justice, aussi rapide de la gâchette qu'économe de ses mots, avec un sens de la répartie certain. Clint Eastwood lui doit beaucoup, mais ses films de justiciers ne parviendront pas tout à fait à égaler le présent long métrage de Leone, à mon sens. Il manquera à Eastwood ce supplément d'âme qui fait tout la grandeur d'« Il était une fois dans l'Ouest ».


Enfin, je ne peux oublier le personnage peut-être le plus subtil et le plus original de ce film, mais aussi le plus attachant : Cheyenne. Bandit de grand chemin, lui et ses acolytes écument la région. Il ne fait aucun doute que c'est lui et sa bande qui sont les auteurs du terrible incident du début du film. Et pourtant, la réalité se révèle plus complexe. Au fond, Cheyenne est un truand flamboyant, un malfrat au grand cœur, dont les sentiments vont l'inciter à se rallier à une cause juste, non sans conséquences. C'est peut-être lui le plus courageux. Il sait ce à quoi il renonce, sans trop savoir ce qu'il a à gagner. Lui aussi fait partie d'un monde finissant. Le progrès signera la fin des hommes comme lui, de ces Cheyenne, Frank ou Harmonica. En cela, comment ne pas penser au dernier plan de « L'Homme qui tua Liberty Valance », où un train à vapeur s'élance à travers les prairies domestiquées de l'Ouest américain ? Un plan auquel l'un des derniers d'« Il était une fois dans l'Ouest » fait clairement référence.


Pour finir, comment ne pas aborder le sixième personnage de ce film, la musique d'Ennio Morricone ? Archi connue et célébrée (à raison), elle donne corps et aura aux 5 personnages principaux, un thème musical propre étant associé à chacun d'entre eux. Chacun joue ainsi sa partition durant le long métrage, au sens propre comme figuré. Oui, Leone et Morricone signent là comme un opéra cinématographique, une œuvre de bruit et de fureur, lyrique, épique même, où la nostalgie et l'émotion semblent avoir le dernier mot. Et par là, une œuvre majeure du septième art.


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ArthurDebussy
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le 19 août 2020

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Arthur Debussy

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