SPOILERS


Septembre 1998: Spielberg débarque avec sa vision de la guerre, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est jamais à court D-day.


L'introduction, tout d'abord, est dantesque. Une véritable boucherie gore filmée au cordeau (c'est cadeau l'ami, welcome back !), en gros plans bien nets parfois, viscère au point. Les fantassins sont terrifiés, vomissent leur tripes avant de se faire déchiqueter. On ne perdra pas une miette de soldat, tonton Spielby semblant se contrebranler du sacro-saint PG-13.


Cette redécouverte m'aura permis de me rendre compte à quel point nombre de scènes sont mémorables. Tantôt un plan séquence, la caméra suivant des soldats au plus près dans un bâtiment étriqué avant de ressortir par une fenêtre sur un plan d'ensemble jusqu'à l'arrivée d'un tank. Tantôt l'insoutenable corps à corps en mode empoignade puis au couteau de Mellish avec un soldat allemand tandis que son coéquipier est en train de se vider de son sang à côté de lui. Upham est pétrifié tout le long, et on se demande, tendus comme rarement devant une toile, s'il aura le cran de monter les dernières marches pour porter secours à son équipier. Et que dire de la terrible scène qui s'ensuit, le belligérant allemand ayant accompli sa sale besogne, descend les escaliers, bouscule gentiment le soldat américain terrorisé en le toisant, sans même envisager un instant de le tuer, tant ce dernier ne semble représenter une quelconque menace. De l'ironie aussi, avec le tir qui blessera à mort Miller, porté par l'homme que ce dernier avait fait libérer plus tôt dans le film – sous l'impulsion d'Upham, encore lui.


Si les séquences émotion (l'annonce des décès de ses enfants à la mère...) et/ou anthologiques (l'intro, mais aussi toute la dernière bataille, incroyable d'intensité) se succèdent, le plan final sur le drapeau m'a semblé totalement superflu. Comme si celui du début, les lectures de ce bon vieux Abraham et toutes les allusions et indices plus ou moins subtils ne suffisaient pas à faire comprendre au spectateur que les américains étaient trop forts. Quand on a cette vilaine impression d'être devant du Emmerich ou du Bay alors qu'on est face à un Spielberg, ça en dit long sur l'étendue du malaise. Juste avant le Star Spangled Banner final, un morphing du plus bel effet sur le visage de Matt Damon, moment autrement plus puissant, une scène emplie de nostalgie, de respect, et de doute, Ryan se demandant s'il avait mérité tous ces sacrifices.


Pour le reste, Saving Private Ryan, c'est un véritable festival de tronches connues: un Vin Diesel débutant, un Caparzo qui finit en carpaccio (le rôle avait d'ailleurs été écrit pour l'acteur). Adam Goldberg, bien moins inquiétant que quand il était le coloc frapadingue de Chandler. Giovanni Ribisi qui lui aussi avait fait un petit tour par la même sitcom - et que je vois dans plein de trucs ces derniers temps, Bryan Cranston jeune prouvant déjà qu'il n'était pas manchot question acting, Tom Sizemore, toxico repenti au moment du tournage, un Jeremy Davies tout fluet, quelques années avant de traîner sa fragile carcasse jusque dans l'île de Lost. Nathan Fillion (à ne pas confondre avec notre Satan Fillon à nous) fait aussi une apparition. Et Matt Damon, évidemment, qui avait été choisi initialement car Tonton Steven voulait un acteur qui soit peu connu. Loupé, Damon remportant un franc succès avec Will Hunting quelques mois avant la sortie du trésor de guerre du papa de Jaws. Le réalisateur le choisira malgré tout après l'avoir rencontré.


On pourra dire ce qu'on veut sur Steven Spielberg, ses messages plus ou moins subtils, son côté entertainer familial - pas ici, justement - mais bordel, c'est un conteur hors pair. On ne peut affirmer qu'il était mal armé pour nous offrir ce très beau moment de cinéma, la preuve: en plus d'être meurtrie, dans Il faut sauver le soldat Ryan, la chair est triste, et lasse.

Gothic
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le 1 mars 2017

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