Il aurait fallu sauver le soldat Mellish (spoilers non cachés)


1998-2018



J'ai vu ce film alors que j'était enfant, à a sa sortie.
J'avais un souvenir d'un bon film qui dénonce la guerre et de soldats innocents qui appellent leur mère au seuil de la mort, comme des enfants (qu'ils sont encore).


Ca c'est toujours aussi violent et fort. Les larmes viennent, intensément.
Le film frontalement parle de cet aspect de la guerre, hors de la glorifiction virile de héros déshumanisés. C'est un vrai film humaniste qui ne se loupe pas en montrant que les trois quart des gars étaient encore des adolescents à peine sortis des jupes de leur maman.


Passé cela, le film débute et j'ai une angoisse. Je sais qu'une scène encore plus atroce va arrive.


Le souvenir d'un SS sadique qui poignarde un soldat américain.


Je ne sais plus lequel c'est et comment cela va se passer.


En revoyant le film, lorsque Steamboat Willie est sauvé, je me dit "hum c'est lui, c'est lui qui va tuer... euh... lequel? Enfin non, j'espère que c'est pas lui.. car l'idée que l'épargner était mal, je n'aime pas cette idée..."


Le film continue, les gars cherchant Ryan... je m'attache un peu à Upham, le jeune homme fragile et pacifiste, qui parle allemand et qui semble terrifié à l'idée de devoir tuer un mec. Plutôt poétique et antimilitariste, il n'est pas là pour tuer du bosch.


Puis vient la veille de l'ambuscade.


Mellish a posé les munitions autour du cou de Upham. Il l'a chargé d'une mission, approvisionner, l'aider à tuer les nazi. Mellish est juif, courageux et il est venu venger les siens.
Il sait pourquoi il est là et il compte sur Upham (qui lui ne semble pas savoir)

afin de l'aider à accomplir sa mission.


Et puis, la scène arrive. On y croit.
On a hate de voir Mellish dégommer le SS.


Mais Upham a trop peur. Il monte les marches d'une manière invraisemblablement lente. Il n'est pas prêt à agir, trancher, tuer de l'allemand. Lui qui parle allemand, lui qui n'est pas juif. Il est lent, très lent. C'est affreux. On a envie de lui botter le cul, on sait qu'il peut y arriver. Il est armé et il n'est pas loin! Mais il n'y va pas, et ralenti encore comme pétrifié. Il laisse Mellish mourir poignardé au coeur par un SS. Pas assez préparé au combat? C'est sûr. Mais pas que.



Une mort qui en dit long



La mort de Mellish n'est pas que la mort d'un soldat. C'est la mort d'un soldat juif.

Le couteau pénétre doucement et le SS lui dit que mourir c'est mieux pour lui. Certains y voient une forme d'humanité de la part de ce SS qui voulant survivre et sachant que Mellish l'abattra, le tue de la manière qu'il pense la plus digne, en plein coeur. Mais il est dur aussi à ce moment là de ne pas penser à la solution finale.


Si Upham reste à distance, c'est certes parce qu'il n'est pas assez entrainé militairement, mais surtout parce que comme le reste du monde, alors que le truc se passe à côté de lui, il n'a pas la force de faire face. C'est juste là, derrière un mur, celui de la bâtisse où se trouve Mellish. Métaphoriquement celui d'un camp, d'un bloc... à l'abris des regards extérieurs.


Upham parle allemand, il ne veut pas tuer d'allemand, et face au nazisme, abomination il est désemparé, désarmé, subjugué, pétrifié.


La scène de la pénétration de ce long couteau a quelque chose d'un viol, les deux hommes sont très proches, le visage de l'allemand se rapproche du sien. Il lui dit les derniers mots qu'il ne comprendra jamais. Car il les lui dit en allemand.


Upham voit le SS descendre de la chambre de mise à mort, il sait que son ami est mort deux fois.
Corps et âme. A cet instant précis la mesure du rôle qu'il aurait du jouer et la mesure de son échec. Il aurait pu éviter la mort de son ami en prenant position contre son oppresseur. En entrant en guerre.
Ce qu'il fera au plan d'après.


A ce moment là, il commence à comprendre le sens de sa mission, mais il est trop tard. Il peut bien ensuite tuer Steamboat Willie de sang froid. Il ne ramènera pas Mellish et les autres.


Le plus dur dans cette scène ce sont les mots et la domination d'un corps sur l'autre.

Mellish est poignardé en plein coeur avec son arme, ça n'est pas rien... On ne comprend pas pourquoi Mellish n'a pas la force de lutter. Il y a une chose cruel à le désarmer ainsi, d'insoutenable. L'expression d'extase dans le dernier soupire de Mellish est carrément embarrassante.



Injustices et brutalités. Au pluriel



La mort de Mellish est atroce, mais revoir le film m'a aussi fait remarquer que le premier soldat à mourir est un latino, le soldat Ryan d'ailleurs ne prononcera pas son nom, Caparzo. C'est violent quand on y repense. Et puis le soldat Ryan nous raconte aussi cette anecdote qui fait froid dans le dos, cette fille "moche" que son frère baise, et puis qui s'assome en fuyant quand elle les voit arriver.
Le frère qui traine la fille en essayant de taper ses frère et la grange qui prend feu, limite tu te demandes si il va pas dire "euh oui et du coup mes frères c'était des connards et la pauvre fille est morte brulée"


Voilà mon regard en 2018.
Et je pense pas que j'aurais eu le même en 2008 et je n'avais pas le même en 1998.


Ce film reste fort malgré ses multiples incorrections historiques et une maladresse dans la mise en scène de la fin et du début (fondu enchainé sur le visage, cheap)


Le film engage à aller voir les production TV de Playtone (Tom Hanks) Band of brothers et The Pacific, cette dernière comportant une très puissante charge antimilitariste porté par le très brillant
Joe Mazello et le jeune Rami Malek.

Créée

le 17 déc. 2018

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