Exterminés parce que roms



Il s'agit là pour la première fois, d'une reconnaissance tardive du Porajmos ou Samudaripen, un génocide inconnu de la plupart des français.


Donc oui, merci pour vos larmes spectateurs…


Le minimum, c’est bien votre petite larmiche, une émotion et de l'empathie.


C'est même la décence même que d'enfin vous sentir concernés, quand on met à l’image non seulement le génocide (au bas mot 400 000, on est pas sûr du chiffre, il en manquerait...) mais aussi la persécution raciale, plus ancienne, et les carnets anthropométriques.



Gadjé... encore un effort!



Ce que n’aborde pas Comar, en modifiant un peu les faits, c’est le fait que Django Reinhardt ne serait jamais passé en Suisse. Suisse qui fut au 19°sc, donc bien avant l'arrivée du nazisme, un territoire anti-tsiganiste et eugéniste, responsable de campagnes de stérilisations massives et de replacements d’enfants tsiganes dans des familles suisses "de souche" afin de les purifier.


Donc oui, mille raisons de pleurer, ressentir l’injustice dont ont été victimes (et sont encore victimes) les roms, sinté, gitans, calé et yéniches... parlant une variante de romani.


Car si Django est nôtre héro, c'est que par lui, nous n’oublions pas qui nous sommes, un peuple sans terre (parce qu'on ne veut pas nous en céder), dont le territoire s’étend au monde entier et dont les seules choses à piller restent la force de travail, le talent et l'adaptabilité acquises par la force des choses. Il s'agit de tout un monde rom contenu dans une langue polymorphe, le romani, construite par les exiles, et voyages.


Le romani n'est pas un "argot" (comme j'ai pu le lire dans les critiques ici), il n'est pas un délire linguistique ou autre chose, il possède une racine, le sanskrit accompagné de toutes les langues de toutes les terres que le peuple rom a traversé.*
L'histoire de ce peuple s'écrit donc dans ses mots.


Le peuple rom est un peuple intelligent, complexe, loin des fantasmes racistes de simplicité, de magie, de bizarre que l'on lui a collé pour justifier sa domination (comme aux autres racisés et aux femmes aussi)... et il va en falloir des films pour déconstruire les mythes et les légendes...



Un film classique, oui, mais pas si classique que ça



« Django » certains l’auront fait remarquer, est un film à la réalisation plutôt classique.
Mais il y a pourtant dans ce film quelque chose de jamais vu.
A l’image, ce sont les nobles et belles photos de famille tsigane pendant la guerre. Au cinéma, à côté de moi pleure et dit « enfin, enfin je peux voir mon enfance au cinéma, cette vie, mon dieu, cette vie, on a vécu ça et exactement comme ça c’est la vérité » et par ça elle parle du campement, des roulottes, des violons, de la campagne de l’Est, de la soirée et de Bimbam Merstein, qui lui rapelle sa grand-mère.
Peut-être aussi parce que cette authenticité nous la devons au fait qu’Etienne Comar a fait le geste de travailler avec de vrais tsiganes, et qu’à l’image, ce sont eux que l’on voit. On s'éloigne donc enfin un peu du "white washing". Et on obtient, un devoir de mémoire construit avec les concernés.
On regrette peut-être, malgrè l’immense charisme et talent de Reda Kateb, que le guitariste tsigane qui avait été pressenti à la base pour incarner Django n’ai pas reçu le rôle. Mais un film reste un film et la magie est la. Cela dit, ok doit l’admettre il reste encore beaucoup à faire pour que davantage de Bimbam Merstein trouvent leur place au cinéma.


Enfin, j’aimerais ne pas remercier ceux qui se sont permis ici dans leurs critiques de parler au sujet des roms et tsiganes de « tribu », « encorcellement » et de « gueules de ». Ils peuvent aller se cacher ces critiques là.


Les tsiganes ne sont pas des phénomènes de foire, magiques, ce sont des personnes comme vous et moi, mais aussi un peuple longuement persécuté, avec une histoire sinueuse et complexe, une migration néanmoins logique suivant des facteurs qui n’ont rien de surnaturels.


Les tsiganes qui ne sont pas des animaux, n’ont pas de gueules mais des visages.


Ces visages, on les découvre à la fin, dans l’horreur des carnets anthropométriques.


Lacrimosa joue à l’orgue d’église, tire les dernières larmes au spectateur sobrement, dignement. faute d'avoir retrouvé la partition de Django pour les frères tsiganes.



Pour aller plus loin



Si certains d'entre vous veulent plus en avant découvrir le sort des tsiganes dans les camps et par la même occasion la littérature tsigane, alors voir les peintures et lire les poèmes de Ceija Stokja, lire Marcel Courthiade et Lise Foisneau, William Acker. Allez voir le travail d’Alina Serban aussi. Eriac et Opre Roma, Proud Roma.
A ce jour le rom est enseigné à l’INALCO et vous trouverez également tout ce que vous cherchez à la Médiathèque Matteo Maximoff.

canevousregardepas
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le 25 nov. 2018

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