Immaculée
5.5
Immaculée

Film de Michael Mohan (2024)


Je l’avait déjà dit et répété fin 2023, à l’époque de la sortie de Vermines, mais pour moi, il y a un vrai nivellement par le bas dans le monde du cinéma d’horreur ; en particulier dit « grand public ». Entre les productions blumhouse plus chiantes que la mort, les séries Z indigentes et sous-produites du dénommé « Poohniverse » en passant par les films plus indépendants mais par pour autant mieux confectionnés, comme Inside, Amelia’s children ou même le très vide Dernier voyage du Demeter, pas grand-chose de fameux, en particulier pour une raison bien précise qui m’émeut tout particulièrement : LE SANG ! Évidemment, je suis friand des longs-métrages dits « atmosphériques », qui cherchent à créer une ambiance plus que des sursauts constants et de l’horreur décomplexée, cependant, je reste quoiqu’il en soit très friand de ces séries B trashos, ces rides gores qui déchirent les corps filmés, qui font fuser de toutes part des litres de fluides corporels, autant dans le désir de créer du malaise au spectateur que de l’adrénaline. Le paradigme de l’horreur pop corn, une promesse qui était tendu par ce Immaculée, avec la ravissante Sydney Sweeney qu’on ne présente plus, en moins de 90 minutes dans un bien mystérieux couvent italien, ce long-métrage tient-il ses promesses de splatter dévergondé, supplément nunsplottation, ou tombe-t-il dans les navrantes catégories citées plus haut ?




Un avis rapide sur Immaculée donc ? Eh bien… difficile à dire. Difficile car si je veux être objectif, Immaculée est remplis A RAS BORD de problèmes, en grande partie d’écriture ; cependant, difficile de ne pas dire que j’ai été séduit par la proposition du long-métrage. Une proposition mélangeant dans son fond, les plus purs usages de la série B horrifique, mais dans la forme, quelque chose de beaucoup plus… immaculé justement, avec un cadrage très soigné voire sophistiqué, et une abondance de costumes et décors propices au contexte historique du long-métrage, peaufinant d’autant plus le simple plaisir plastique que propose ici le metteur en scène Michael Mohan. Je préfère cette fois-ci d’abord m’atteler au fond, contenant à la fois les plus grosses tares et réussites de ce Immaculée, narrant le destin de Cécile, fervente catholique américaine rejoignant un illustre couvent italien aux pratiques de plus en plus suspectes et promptes à installer une tension qui, en réalité, peine vraiment à sortir des sentiers battus (pour rester poli). L’intrigue d’Immaculée n’est clairement pas son point fort, tant tout est cousu de fils blancs, non pas dans la caractérisation précise des retournements de situation, mais bien plus dans leur présence, leur dissémination à travers la narration. Plus que d’être prévisible, ces événements rendent le film balourd, il complexifie un univers au final assez peu impactant sur la durée et qui ressasse avant tout les attendus et poncifs de la nunsplotation, autant dans son imagerie que ses thématiques traitées. Des thématiques finalement traitées de manière plus que superficielles, balancées à la volée mais qui cédant la place à un jeu de massacre dans son dernier tiers, très efficace certes, mais laissant un goût d’inachevé autour de toute cette bien lourde préparation au final pas des plus concluante. Une lourdeur qui fait savamment pencher la balance dans le négatif, au gré de la première moitié au finale assez quelconque, surtout en horreur, laissant comme miettes au spectateur des personnages fonctions ni suffisamment passionnant pour y être intéressé, ni vraiment détestables pour voir s’abattre sur eux le péché irréversible. Au moins on pourra saluer la présence au casting d’Alvaro Morte, dont l’introduction fut l’un des jumpscare les plus puissant vu à ce jour, tant j’avais oublié sa présence et l’existence (pour ma part, je l’avoue, teinté de nostalgie) de la Casa de Papel. Il est toutefois bien dommage que son personnage serve juste d’opposition bête, méchante et oubliable à l’héroïne, n’accentuant ni ne transcendant le matériel écrit de base, une missive anti-cléricale, pervertissant le concept de maternité au profit de sa sanctuarisation quasi mystique, qui laisse pourtant gonfler une rage de plus en plus perceptible et frontale ; qui laisse pourtant en suspend l’impact de ses différents retournements de situation, sans en faire des caisses, comme si la fin justifiait des moyens parfois bancals.




Mais du coup oui vous m’aurez bien lu, j’ai bel et bien écrit jumpscare, car ces effets horrifiques aussi vieux que le pétard mouillé sont bels et bien de la partie, pour le pire, mais pas vraiment le meilleur. Des sursauts en veux-tu en voilà, qui viennent encadrer toute la première moitié du long-métrage pour au final, réduire d’autant plus son intérêt tant le procédé a été vu des dizaines de fois et que leur présence tout de même abondante suffit surtout à enterrer toute tension. C’est ainsi, ironiquement, quand le film ne joue pas sur cette pratique un tantinet exaspérante qu’il est le plus bon, car laissant véhiculer un vrai malaise, avec pourtant des bases pas forcément plus originales telles que des symboles religieux menaçants ou des figures sombres dans le noir. Des scènes classiques dans l’exécution voire même l’inspiration, mais qui laissent entrapercevoir un sentiment déjà plus encourageant et surtout, des sentiments plus variés subtils mais pas des moins efficace et marquant. Cependant, il faut admettre que là où Immaculée est vraiment bon, c’est quand son horreur prend une tournure réellement viscérale, de cette intro mystérieuse, valant surtout son pesant de cacahuètes pour a finalité extrêmement anxiogène que son dernier tiers extrêmement sanglante, mettant en scène la rage du personnage de Sydney Sweeny, s’émancipant bien malgré elle de son idéal clérical naïf. Un affranchissement qui, sans divulgâcher les scènes en question, se fait dans le sang et les tripes, avec des effusions aussi généreuses que malsaines pas loin du giallo des grandes heures. Plus qu’une descente aux enfers, on pourrait parler de paradis sanguinaire, tant la décomplexion brute, sans concession et crescendo vient créer un état de non-retour dans le parcours du personnage, mais surtout dans l’horreur qu’essaye de transmettre Immaculée au sein de ce couvent ; bien plus impactant que les petits jumpscares débutant le long-métrage. Pour parler subjectif plus qu’objectif, j’ai été conquis par le ride gore proposé par le film, qui bien qu’il soit « court » par rapport au reste du long-métrage, garde un impact certain sur la rétine du spectateur, qui ressent la violence de chaque impact, la brutalité de chaque blessure (mortelle ou non) et l’horreur de plus en plus pesante autour de ses personnages. Cependant, là où Immaculée n’oublie pas d’être, à mon sens, un bon film de frousse, c’est qu’il ne se sert pas juste de ses effets grand guignols pour tenir éveillé le spectateur, le reste du cadre est travaillé, pour ne pas dire léché, et il serait criminel de ne pas parler du travail plastique entourant ce film. Immaculée réussit en effet à surtout pervertir son cadre, à ne pas se contenter de simplement balancer de la violence crade, mais il l’incorpore à de remarquables visuels, autant pour leur simple beauté que leur perversion, leur souillage dirais-je même. Je retiendrai autant cette scène dans un bain rond que les catacombes pour rappeler que plus que de créer de jolis visuels, il est important que ces derniers ne soient pas creux, ce dans quoi Immaculée s’en sort en pervertissant ce qui est représenté pourtant comme un petit paradis.




C’est sûrement LE gros point fort évident, au-delà de toute évidence psychopathe amateur d’hémoglobine comme moi, la mise en scène d’Immaculée est proprement soignée. De la photographie au travail de la lumière, en passant par la mise en scène, le découpage donc, mais du coup les choix de décor, de costumes et coiffures jusqu’à la musique, si tout n’est pas clinquant et remarquable, tout transpire le travail besogneux qui démarque le long-métrage d’autres propositions soit plus resserrées et moins grandiloquentes, mais surtout d’autres canons du genre, comme les films du Conjuring-verse (pour rester avec nos amis de Jésus) qui ne tiennent pas la comparaison. La composition, bien que plus tape-à-l’oeil que profonde, n’en reste pas moins prenante, en grande partie car il fait évoluer le statut du long-métrage de petite série B pas très finaude dans sa narration à une proposition bien plus soignée, premium même je dirai. Une mise en scène polie et millimétrée, bien qu’un peu trop lisse à mon goût, manquant de grain, qui offre ses plus beaux cachets dans ses passages les plus angoissants, les plus anxiogènes et répugnants, là où la simple beauté d’un plan contraste avec la morbidité ambiante, où ce plan séquence final techniquement pas révolutionnaire fait passer la performance par un sentiment d’étouffement pesant. Immaculée a la bonne idée de mettre ses images au service de la chaire, de faire avant tout passer ce travail d’orfèvre par l’humain. Et en parlant d’humain, il y a un point toujours pas traité par moi-même et qui pourtant crève autant les yeux que l’écran, Sydney Sweeney. Actrice talentueuse révélée par Euphoria, et qui a continué d’impressionner avec le plutôt réussi Reality, continue de tracer sa route avec un rôle chargé pourtant pris à bras le corps, autant dans un penchant très naïf qu’enragé. On peut le dire, cette actrice porte le film sur ses épaules, film fragile par plein d’aspects, autant son scénario remplis de trous et d’inconsistances que certains effets horrifiques à jeter, on pourra tous redire des choses à ces passages mais il me paraît difficile de blâmer l’actrice pour sa superbe performance qui donne du poids, de la chaire même, à ce récit aussi inconsistant que bordélique. Plus que de simplement saluer sa performance qui justement, tombe parfois un peu trop dans la « performance » avec tout ce que ça a de pathos entre cris et larmes, cette proposition que je qualifierai surtout d’over the top reste au moins bien cohérente avec le reste de l’atmosphère du film, un mélange entre la simplicité d’exécution le grandiloquent des meilleures séries B, ou la précision plus chirurgicale et méticuleuse proche du dénommé « elevated horror » ; en bref, un entre-deux pas toujours concluant mais assez plaisant et surtout fourni pour au moins faire vibrer le spectateur le temps de ces 90 minutes.




Immaculée a souvent le cul entre plusieurs chaises liés aux tonalités, stéréotypes, effets, et j’en passe liés au cinéma d’horreur, en revanche, il dégage de ce long-métrage foutraque une vraie énergie dans la direction d’acteur et la sauvagerie de l’ensemble, contrastant avec une direction artistique léchée, un peu lisse mais accomplie, donnant un cachet visuel et atmosphérique à ce train fantôme aussi méchant que jouissif dans sa violence tantôt grand guignole tantôt malsaine donnant le champ libre à Sydney Sweeney pour exprimer tout son talent. Un petit bonbon un peu insignifiant et imparfait, mais fait avec tellement de volonté et d’amour du genre que le résultat m’a semblé finalement plutôt convaincant.


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le 20 mars 2024

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Vacherin Prod

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