L'ennemi intime
NE PAS LIRE AVANT VISION DU FILM Intriguer, séduire, questionner, émouvoir. Si l'on souhaite parvenir à tout cela en un même mouvement, ces objectifs sont difficilement conciliables avec le cynisme...
le 30 août 2014
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Le meilleur de Shyamalan, qui m’a plutôt déçu par la suite. Comme si à force de jouer l’originalité du sujet, l’étrangeté à tout prix, et le twist final un brin mystérieux, à chaque fois, ça peut fonctionner un moment, mais ça devient très vite systématique, donc un peu vain à la longue. Là, le pitch est sensass : « Croyez-vous aux miracles ? »
Bruce Willis sort indemne d’un accident de train, c’est l’unique rescapé. Un miraculé ! Même pas une égratignure. Il rencontre un mystérieux collectionneur de BD, qui lui annonce que la raison du miracle n’est pas celle qu’on croit. Bruce a un super pouvoir, mais il ne le sait pas. Il est INCASSABLE, au sens propre (!) Il doit en prendre conscience, choisir une identité secrète, et se mettre en quête d’injustices à réparer. Mais est-ce vrai ? Est-ce que ceci n’est pas qu’une histoire inventée par un rêveur à l’imagination fertile ? Miraculeux ou demi dieu qui s’ignore, la vie de famille de Bruce se trouve chamboulée, et peu à peu, la « vérité » s’impose.
Évidemment, le casting est génial. Willis, Samuel Jackson, Robin Wright Penn. Choisir Bruce Willis, le sauveur du monde hollywoodien, et son personnage en sera l’antithèse. La superstar joue un quidam, vigile dans un stade, le contre emploi classique, la star devient monsieur tout le monde. Presque effacé, maladroit. La façon dont il se prend un vent, en essayant de draguer une femme dans le train, donne le ton, et dès le début. Tout le monde sera tentée de croire à l’histoire racontée par Elijah Price, le personnage joué par Samuel Jackson, et Shyamalan joue à fond là-dessus. Le seul à ne pas y croire, à son destin de héros, c’est Bruce lui-même, et ça dure presque tout le film. Le doute sera savamment distillé, comme tout bon disciple d’Hitchcock, Shyamalan sait avancer à pas feutré, dans le ventre du récit.
Samuel Jackson en Jodi Yoda avec une coupe afro, sera encore une autre bonne idée de casting. Donner à ce film sur les demi dieux urbains que sont les super héros, le rythme d’un film d’auteur, limiter l’action au maximum, se faire plaisir avec quelques plans renversants, juste pour le plaisir, c’est bien. Jouons sur la virtuosité, oublions les effets spéciaux.
Je range ce film dans la catégorie des meilleurs films sur les super héros, et le plus original qui soit. Pendant tout le temps, on se demande si c’est vrai ou pas. Cet homme est-il réellement incassable ? La longue scène, étouffante, où David Dunn/ Willis fait du développé couché, avec les haltères, de plus en plus lourdes ; elle est simple, et très efficace. La scène du revolver avec son fils, sous le regard impuissant de sa femme, géniale. Que des bonnes idées de mise en scène. Et nous, on n’est pas plus avancé, jusqu'au flash-back… Et on pense que c’est finit, mais ça ne fait que commencer. Elijah Price est beaucoup plus important qu’on ne le croit. Il souffre d’un mal étrange. Ses os sont friables comme du verre. David Dunn/Willis lui est incassable, mais pourquoi ? Bon scénario. Á ouvertures multiples, qui se referment en même temps, et nous laissent dans l’expectative.
Robin Wright Penn en femme lassée, qui n’aime plus son mari, mais qui essaie de sauver les apparences. En peu de scènes, peu de mots, tout est dit. Spencer T. Clark, joue le jeune fils qui accroche (évidemment), tout de suite à cette histoire extraordinaire, il sonne très juste. Pour tout fils : « Mon père est un héros». Une ambiance intimiste, des couleurs sourdes, peu d’esbroufe, et c’est bien. Et ça tombe le plus naturellement du monde. Terrible et perverse, cette révélation finale (!)
Un twist qui m’a fait l’effet d’un Usual Suspects à l’envers. Le film ne fait que commencer. Pauvre Bruce Willis ! Shyamalan a manipulé tous les codes du film de super héros, et éclaire le genre sous un jour nouveau. Avoir ou ne pas avoir un pouvoir extraordinaire, ce n’était pas le vrai sujet. En un retournement, et une poignée de main de situation, le monde s’écroule et pour Bruce, et pour nous…Excellent Samuel Jackson, accoucheur d’âme comme Socrate, et…maître du jeu. Pauvre Bruce ! Ceux qui ont déjà vus le film comprendront pourquoi j’insiste. La révélation encore plus terrifiante que dans le Sixième Sens. Cette fois c’est pas le spectateur qui s’est fait avoir, c’est David Dunn/Wills ; le parfait contre-emploi, et Bruce parfait pour l’emploi.
Enfin quelque chose de réellement original, et du vrai cinéma, dans le genre super héros. Enfin. Ça change des franchises Marvel et Dc Comics qui font tout le temps la même chose, le même film, avec la même fin, les mêmes enjeux. Á revoir d’urgence ce film. Vu le prix qu’il a couté, on se demande bien pourquoi d’autres dépensent autant d’argent, font autant de bruit, pour dire si peu de choses, et ne rien montrer du tout.
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Créée
le 30 mars 2016
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