Mal, tu me hantes.


Partout je vois ton visage, ton corps, tes gestes délicats qui innervent ma tête constamment telle une migraine incessante, terriblement douloureuse, qui ne fait pas agonir mes neurones épuisés mais bien mon cœur endeuillé. Tu t’immisces dans mon travail à la manière d’un virus, un beau virus au regard céruléen, à la figure angélique, à l’élégance inégalable, mais un virus tout de même, jaloux, possessif, agressif.


Pourtant, j’ai peur de te perdre, je crains désespérément de t’oublier. Alors je t’enferme dans mes rêveries, je mets le bel oiseau en cage et ainsi en boucle je peux admirer quelques beaux moments, toi qui remets délicatement tes cheveux derrière ton oreille à la plage, où toi qui effleure mon épaule de tes doigts fins… Et je conserve, dissimulé, ce jour où tu es partie, cette nuit où tu as sauté. Même dans ce dernier instant, pendue au vide, tu étais sublimes, oui ma funambule suicidaire tu es restée belle jusque dans ton funeste destin. Le destin que j’ai, je le sais, provoqué. Si seulement j’avais su qu’une petite idée, une petite chose contenue dans les rondeurs saines d’une minuscule toupie m’arracherait l’amour de ma vie…


Te venges-tu désormais ? J’essaie de te frustrer dans mes rêves contrôlés mais tu habites les autres, tu es un spectre vengeur qui détruit tout. Je n’arrive plus à construire sans que tu viennes. Dans les songes que j’envahis, tu viens aussi. Je suis un créateur porteur d’une maladie contagieuse, toi. J’ai beau réunir une équipe, un autre architecte, un autre acteur, un autre coéquipier, je me sens comme un réalisateur prisonnier d’une obsession sépulcrale. Si j’écrivais, tu tourmenterais chaque ligne, si je filmais, tu posséderais chaque plan, si je peignais, tu tyranniserais chaque image. Dois-je m’interdire de créer parce que tu es si profondément ancré en moi que tu débordes sur chaque chose ? Alors j’essaie de devenir le chef d’orchestre, celui qui régit de loin, mais tu inocules même le hasard, toi maîtresse de mes pensées cachées.


Mal, souvent je crains ne pas avoir passé assez de temps avec toi. Pourtant, dans ces limbes magnifiques, dans la ville que nous avons créée à l’image de notre affection, nous sommes restés longtemps, heureux, merveilleux. Nous nous tenions la main en souverains de cette cité vide d’intrus et gonflée de notre bonheur. A deux nous pouvions façonner des choses sublimes, magnifiques, tout était à notre portée, l’amour avait fait de nous des Dieu seuls et humbles. Et cela a duré, des années, des dizaines d’années, cinquante années ensembles. Oui Mal, j’aimerais revivre cela encore et encore, non Mal, vivre sans toi sera toujours irrespirable, mais dois-tu réellement me ramener à toi pour rattraper le temps perdu ? Le temps nous l’avons eu. Il était onirique, il était parfait et nous avons coulé avec lui dans cette vie de rêve.


Longtemps Mal, j’ai cru devenir fou, aliéné par ton visage. Tes traits, j’arrive à me les dessiner : tes grands yeux bleus à l’air penseur, joliment clairs comme un ciel d’hiver chauffé d’un soleil blanc, ton joli nez à la fine cambrure, et tes lèvres rosées qui lorsqu’elles s’étirent creusent de délicates fossettes sur tes joues nourries d’une pâleur divine. J’adore sculpter ta figure encore et encore dans mon imaginaire mutilé mais ce jour-là, lorsque nous étions toi et moi suspendus aux ruines de notre amour, et que tu m’as supplié de te choisir, j’ai compris avec un déchirement terrible que jamais je ne te retrouverais. Si j’arrive à reproduire la couleur de tes prunelles, leurs tendances rêveuses, je ne peux composer parfaitement les moindres détails de ton regard, les moindres soubresauts de ton iris, les moindres lueurs de ta pupille. Dans ma tête tu es condamnée à être imparfaite. Est-ce une punition pour me rappeler que ta mort prématurée repose sur ma conscience ? Est-ce le signe que je dois retourner dans la réalité ? Pour moi, Mal, tu étais parfaite, ta complexité me fascine, ton inépuisable beauté me passionne, ton verbe m’envoûte. Mais dans mon cerveaux chaque partie de toi est amputée de ton souffle divin, tu n’es qu’un ersatz de la femme que j’aimerai toujours. Dans mes rêves tu n’es que le reflet abîmé de la personne la plus magnifique, la plus parfaite que je n’ai jamais croisé.


Moi en revivant sans cesse mes souvenirs, toi en assiégeant mes créations, nous nous faisons souffrir car nous nous obligeons à revivre les vestiges de notre couple. Mais ces décombres ne nous contentent ni l’un ni l’autre. J’aimerais que tu aies raison tu sais. Sans cesse je laisse tournoyer ta toupie et je me prends à espérer qu’elle persiste à danser pour qu’ainsi je comprenne que le rêve est devenu ma réalité et que je n’ai qu’à mourir pour te rejoindre. Mais cela n’arrive jamais, toujours elle tombe, toujours je suis ramené à ma propre existence face à ton fantôme et je ne peux pas abandonner nos enfants Mal. Tu me les as arraché et ils me manquent. Je dois continuer sans toi pour eux. Pardonne-moi Mal. J’aimerai rester avec toi, revivre avec toi, mourir avec toi, mais mon monde n’est pas encore débarrassé de tout ce que j’aime. Mal je ne dis pas que cela est de ta faute, tu n’as jamais voulu les abandonner, c’est moi qui t’ai poussé, malgré moi, à partir.


Mal, désormais je dois m’en aller. Ton absence me sera toujours insupportable. Je jure de ne jamais t’oublier mais je dois arrêter de laisser un simulacre dicter ma vie. Nous avons vécus longtemps ensembles, nous nous sommes aimés, mais le rêve, le souvenir ne peuvent restaurer la grandeur de nos sentiments, l’absolu de ton être. Je dois accepter ta perte, je dois te laisser partir, et toi aussi tu dois détacher ton emprise. Laisse-moi les retrouver, laisse-moi achever ce que nous avons commencé. Le songe ne sera jamais à la hauteur de la réalité, je ne dois pas me laisser avoir par cette illusion de vie, de toi. C’est ainsi que je laisse la chimère te remplaçant expirer dans mes bras tremblant de peur, tremblant de peine. Adieu Mal.


Je t’aime.

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le 13 juin 2017

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