De l'art de l'endoctrinement.

Et si Inception filait la métaphore entre la condition de l'artiste et la mécanique de l'endoctrinement? Étonnant? Le film annonce pourtant la couleur dès le début lorsque Cobb présente une idée comme un parasite contagieux plus résistant qu'un virus. Puis lors de l'initiation d'Ariane il présente l'expérience du rêve partagé sous la forme de la pure création libérée d'un réalisme bridé, pouvant s'ouvrir à tous les fantasmes et dans laquelle le rêveur devient artiste.

Au cours de cette scène se trouve évoquer l'essence de ce qu'est l'art. Une discipline qui s'extrait du réalisme pour se réfugier dans les rêves, le subconscient de ceux qui la considère. L'artiste use de son art pour manier les concepts, les retourner, n'hésitant pas à exploser les normes. Tout ceci en se jouant de nos certitudes à l'image de l'escalier de Penrose.
L'art est protéiforme. L'art est face à la nécessité de devoir se réinventer sans cesse pour ne pas disparaître en se confondant avec la réalité. Tel est l'enseignement de Cobb à son élève. Enfin, l'artiste est amené à se trouver au croisement de regards menaçants de la foule et parfois au risque d'être transpercé par une lame comme l'apprendra Ariane des mains de Mall. (Le sapin de McCarthy aussi). Pourtant, lorsque l'esprit humain erre désorienté dans le labyrinthe du quotidien absurde, l'artiste déroule un fil d'Ariane pour le sauver de sa perdition.

Si l'esprit humain est prompt à se perdre par lui-même, il est possible de l'y aider. Robert Fisher, l'individu ciblé par l'opération, est un fils en quête de reconnaissance et d'affection paternelles. Endeuillé de la mort de son père il constitue la cible idéale pour la manipulation idéologique de l'équipe.
Première phase: son enlèvement, mis sous pression, il est anéanti et rendu susceptible de dévoiler tous les éléments personnels qui serviront ensuite à mieux le manipuler. Un procédé utilisé par les sectes. Celle de Tom Cruise en particulier.
Deuxième phase: Cobb joue ensuite au gentil flic, il suggère le danger dont lui-même est la source, et crée ainsi l'urgence que Robert se laisse entraîner dans ses traces pour être sauf. Il crée les problèmes et les résout, il obtient ainsi la confiance de Robert qui ouvre la porte de son subconscient.
Troisième phase: Après une impression de lutte pour obtenir une vérité, il sera suggéré à Robert ce à quoi il aspire: une destinée qui donne un sens au manque d'affection paternel. Robert embrasse cette idée qui nie la réalité mais lui permet de combler artificiellement le vide laissé par son sentiment d'abandon.
Une opération en 3 actes qui rappelle le processus d'adhésion des sectes.

Si l'on ne saura pas ce qu'il adviendra de Robert Fisher, le poison d'une idée fausse peut se révéler mortel, le personnage de Mall est là pour le rappeler. Complètement obsédée par l'idée que lui a implantée Cobb, elle ne peut s'en défaire. Symptomatiquement elle ne peut plus voir la réalité, pensant qu'on lui ment et qu'elle se trouve en fait dans un rêve. Cette idée la poussera à commettre l'irréparable.
L'idée n'est jamais plus dangereuse que lorsqu'elle règne en despote dans les individus, ne laissant pas la place à ses consœurs. Aux artistes incombe la responsabilité de briser la dictature des esprits.