Je suis snob.

Je dois être très snob car en plus d'avoir apprécié, j'ai même étudié ce film dans le cadre d'un cours.

Cependant je comprend très bien ton avis, et je suis d'accord avec toi ce n'est pas film, ce n'est pas du cinéma (enfin, à considérer que quelqu'un sache ce que c'est le cinéma, mais là n'est pas la question).

Et justement, je n'ai pas aimé India Song comme un film mais comme un lecture envoutante et bercante.
Je l'ai même vu 2 fois (le snobisme n'a pas de limites). Et chaque fois je me suis laissée bercée par la musique (l'india song justement, magnifique), par les images et par la voix.

Pour moi, il fait clairement parti de ces films "chiants" et beaux à la fois (attention référence à Brel très subtile). Oui, c'est films qu'on ne conseillerai pas à n'importe qui, que même parfois on s'ennuie un peu devant et pourtant une magie s'en dégage. D'accord il ne se passe pas concrètement beaucoup de choses, mais une ambiance s'en dégage qui m'amène moi à la la rêverie. Et j'aime moi, que ce que je vois m'amène vers d'autres territoires, me laisse voyager seule, et ne me mâche pas le travail en disant "attention cette image signifie cette action"
D'ailleurs, personnellement je suis tellement snob que la plupart de mes films préférés sont des films que beaucoup trouveront chiant voire carrément obscurs et incompréhensibles. Parce que les images, parce que la musique, parce que les mots... tout ça ensemble parfois forme une alchimie étonnante. Et se passe très bien de l'action et de la fable.

Ce qui est très beau dans ce film, c'est que justement Duras réussit à retranscrire au cinéma la liberté du lecteur. Parce qu'elle ne montre rien et tout à la fois, que l'image contredit le son. Que rien n'est dit et tout est à imaginer.
Comme dans ses livres, la part de l'indicible et de l'invisible reste entière.

Duras réussit dans ce film à éviter à la dictature de la caméra : alors que le film est normalement le lieu où l'on montre, le lieu où le spectateur à le moins de liberté (la façon de cadrer te dit où regarder, contrairement au théâtre où l'on a toujours la possibilité de regarder hors de ce qui est mis en lumière).
Elle réussit à recréer le mystère de ses livres.

Pour ce qui est du livre India Song, définit comme "texte théâtre film" : ce n'est pas une pièce de théâtre classique.
Mais pour ceux qui sont sorti de chez eux depuis que Molière est mort, il est clair que les pièces en 5 actes avec la règle des 3 unités, on n'est voit plus souvent.

Finalement, comment peut on dire "ce n'est pas du cinéma" ou "ce n'est pas du théâtre". Car Qu'est ce que le cinéma, qu'est ce que le théâtre ?

A l'heure où toute sorte de films et toutes sorte de spectacles sont possibles, comment peut on définir les genres ? Ont ils besoins d'être définit d'ailleurs ?

Ce n'est pas un film parce qu'il n'y a pas d'action ? Mais où est -il écrit qu'il faut de l'action pour faire un film ?

Ce n'est pas un texte de théâtre parce que tout est dit dans les didascalies ? Mais qui empêche d'utiliser les didascalies comme texte. Elles sont là pour être lues, jouées ou niées.


Enfin, moi qui suis snob j'ai aimé India Song parce que Duras ne me mâche pas le travail, elle me laisse entendre et voir son histoire comme je le veux : je ne subis pas, je ne reçois pas passivement, je réagis à ce qu'elle me montre et je peux me raconter ma propre histoire.
Parce que je n'aime pas le tout cuit, parce que j'aime aussi m'installer devant un film et pouvoir l'oublier 5 minutes, me laisser aller à mes pensées puis revenir.
Ce film c'est une berçeuse, un lieu magique où l'on va et l'on vient à sa guise, sans obligation, libre.


Parce que je crois que lent ne veux pas dire chiant, et que non linéaire ne veux pas dire idiot, parce que je crois au pouvoir d'imagination et à la liberté du spectateur, oui, en effet je suis snob et je met 9 à India Song.

Mais ne t'inquiètes pas pour moi, parfois il m'arrive de mettre mon snobisme de côté et de regarder les mêmes choses que la plèbe. Et ça fait du bien aussi.

Qu'il doit être doux d'être plébéien...