Un film follement théorique et merveilleusement idéaliste

A sa sortie, beaucoup avaient été désarçonnés par le culot du scénario de "Inglourious Basterds", organisant "pour le plaisir" une revanche des juifs sur la barbarie nazie - sans happy end pourtant, puisque les bons meurent, les plus cruels survivent, les imbéciles aussi... -, aussi bien que par le formalisme précis, voire méticuleux de chacun des chapitres du film. Il se trouve pourtant que, comme la plupart des films de Tarantino (et contrairement à ce que l'on avait pu craindre à ses débuts), "Inglourious Basterds" se bonifie à chaque vision, et nous offre le plaisir ineffable de toujours y découvrir de nouvelles subtilités : art de la parole toute-puissante (l'utilisation brillante - et si rare dans le cinéma américain - de plusieurs langues, et l'idée que le pouvoir réside dans la maîtrise de celles-ci... d'où le triomphe inévitable du nazi "chasseur de juifs" !) et jouissance de la mise en scène (l'acmé du massacre dans le cinéma en flammes, mais pas seulement), les deux axes du meilleur cinéma de Tarantino fonctionnent à plein dans ce film à la fois follement théorique et merveilleusement idéaliste. Célébrons en effet cette idée, belle à en pleurer, que, dans un monde de contes ("Il était une fois dans la France occupée"), le Cinéma pourrait venir à lui tout seul à bout du nazisme, et offrir au peuple juif une vengeance méritée. Admirons la manière dont Tarantino liquide ses personnages les plus aimables, réintroduisant au sein de son film-fantasme la vraisemblance de la mort réelle. Et n'oublions jamais cette apparition stupéfiante, dans la première scène (d'anthologie) de film, d'un Christoph Waltz qui nous était encore inconnu, dans un rôle "de méchant" qui marquera le Cinéma. [Critique écrite en 2009, 2010 et 2011]

EricDebarnot
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les films avec les meilleurs méchants, Les meilleures ouvertures de films, The Best that Cinema has had to offer since 2000 et Les meilleurs films de 2009

Créée

le 1 août 2014

Critique lue 507 fois

10 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 507 fois

10

D'autres avis sur Inglourious Basterds

Inglourious Basterds
Hypérion
8

Tarantino, polyglotte à dessein

Après le décrié Boulevard de la Mort, qui ne s'apprécie pleinement qu'intégré à la pellicule de Grindhouse, Tarantino s'est lancé avec un enthousiasme évident dans son western sur trame de seconde...

le 21 nov. 2011

105 j'aime

8

Inglourious Basterds
fifi_
2

Critique de Inglourious Basterds par fifi_

Il y a longtemps, Quentin faisait des films. Il faisait Reservoir Dogs, c'était pas mal, un peu surestimé mais pas mal. Il faisait Pulp Fiction, c'était mieux, toujours surestimé mais mieux. Il...

le 25 juin 2010

94 j'aime

56

Inglourious Basterds
Grard-Rocher
8

Critique de Inglourious Basterds par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine occupation allemande la famille Dreyfus vaque à ses activités dans leur maison retirée du village lorsque des soldats allemands débarquent. A leur tête le colonel Hans Landa.Cet homme est...

92 j'aime

14

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

103

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

183 j'aime

25