Avis de Cherycok :
Intruder est une des rares incursions de la Milkyway de Johnnie To dans le domaine de la catégorie III et rien que pour ça le film en devient intéressant d'autant plus que le sujet qu'il aborde est traité avec énormément de sérieux et que le film se traine une réputation plutôt bonne sur la toile. Il faut dire que ce n'est pas du tout le genre de Cat III qu'on a l'habitude de voir, complètement barges à la Ebola Syndrom ou Eternal Evil of Asia sorti à un ou deux ans d'intervalle. Dans Intruder, l'ambiance est froide, glaciale même, essayant à fur et à mesure que le métrage avance de mettre le spectateur mal à l'aise. Et force est de constater qu'il y arrive complètement.

La force du film est d'arriver à ne jamais tomber dans le grand guignol et le gore à outrance. Bien entendu, chaque meurtre apporte ses giclées d'hémoglobine mais le réalisateur ne s'attarde jamais sur des gros plans, préférant nous montrer juste les 1 ou 2 premières secondes et laissant au spectateur le soin d'imaginer la suite. Et comme souvent à Hong-Kong, on pousse les limites à l'extrême sans aucune retenu, les psychopathes n'hésitant pas à s'en prendre aux personnes âgées et même aux enfants en étant d'une froideur et d'une violence sans nom.
On pourra d'ailleurs saluer le jeu impeccable de Jacqueline Wu Chien-Lien qui a l'instar de son rôle dans l'excellent Beyond Hypothermia, porte le film de bout en bout, interprétant son rôle de psychopathe avec une justesse qui fait froid dans le dos, un personnage qui par amour pour son mari n'hésite pas à tuer de sang froid des innocents qui n'ont rien demandé si ce n'est de vivre paisiblement leur existence malgré des travers eux aussi. Parce que mis à part la petite fillette Yin-Yin, aucun personnage n'est tout blanc, comme si le réalisateur avait voulu en quelque sorte « justifier » leur mort sans que cela ne paraisse être de la violence gratuite.
L'arrivée de Moses Chan en fin de film et de son personnage encore plus extrême que celui de Jacqueline Wu Chien-Lien va empirer les choses, ce dernier étant beaucoup plus cruel et n'hésitant pas à s'en prendre à la petite Yin-Yin lors d'une scène éprouvante pour le spectateur (et sans doute également pour la jeune actrice lors du final...).

Et si l'ensemble fonctionne autant malgré un rythme relativement lent (malgré la courte durée de 1h26), c'est aussi et surtout grâce à l'ambiance générale du film, sans aucune once d'humour, nous présentant un Hong-Kong by night sale, morbide, avec des rues ou des coins complètement isolés et sombres, dans lesquels sévissent des prostituées, avec une météo du même acabit enchainant pluies diluviennes (on se croirait presque dans un film coréen !) et vents violents. C'est poisseux et ça peut facilement provoquer une gêne chez qui serait un peu frileux de ce genre de production, d'autant plus que la musique est constamment présente, toujours dans des tons dramatiques et désespérés et accentue ce malaise.
Et par conséquent, Intruder risque de ne pas faire l'unanimité, d'autant plus que si on regarde un peu plus la forme, on s'apercevra rapidement que la réalisation n'a rien d'exceptionnelle, avec une photographie certes correcte avec de jolis filtres lumineux, mais parfois gâchée par des scènes de nuit trop sombres pour vraiment apprécier le travail fourni. C'est correctement emballé mais sans génie, et le rythme lent du film risquera d'en dérouter certains d'autant qu'au final, l'ensemble reste assez prévisible et qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu si ce n'est de savoir ce qu'il va arriver au couple d'agresseurs, les victimes elles ayant un destin tout tracé...

Intruder est quand même un film bien à part. Porté par des acteurs formidables, il véhicule une noirceur et une froideur qu'on ne voit pas si souvent au final dans le cinéma de Hong-Kong de cette période, surtout avec un tel sérieux. Peut-être que l'approche de la rétrocession y est pour quelque chose, ce qui justifierait de la peur de la perte d'identité, principale motivation des deux psychopathes du film.
Quoi qu'il en soit, Intruder est un film à voir, ne serait-ce que par curiosité, qui ne laissera sans doute pas indifférent, et qui, en ce qui me concerne, m'a vraiment envouté. Un bon cru.
cherycok
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 déc. 2011

Critique lue 369 fois

1 j'aime

cherycok

Écrit par

Critique lue 369 fois

1

D'autres avis sur Intruder

Intruder
JonathanAsia
8

Critique de Intruder par Jonathan Asia

Cat 3 très sombre, où ce sont les tueurs les héros, Intruder est un film choc se permettant bien des excès. Wu Chien Lien et son beau visage impassible sont parfaits pour incarner une femme folle et...

le 31 août 2015

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1