Le nom de Nelson Mandela fut très longtemps, pour moi, obscur et relégué à un slogan qui fleurissait régulièrement les murs un peu partout en France "libérez Nelson Mandela". Bien entendu, je savais bien que tout ceci était lié au régime inique de l'Apartheid en Afrique du Sud mais sans plus. C'est en 1990, lors de sa libération, que j'ai découvert cet homme politique en lutte contre le régime de l'Apartheid. Sauf à vivre dans un igloo en haut d'une montagne inaccessible, il était impossible, alors, de louper l'évènement tellement il fut couvert médiatiquement pendant plusieurs jours voire semaines. Et un homme politique qui, après 27 ans d'emprisonnement, demande d'oublier la vengeance, parle de réconciliation et de non-violence, attire l'attention et force le respect. Comme, en son temps, cet autre animal politique fantastique que fut Gandhi.

Le film de Eastwood relate les débuts du mandat de président de Mandela et l'opportunité de la coupe du monde de rugby en 1995 pour engranger une solidarité nationale autour de l'évènement avec "one team, one country". C'était un "coup" politique audacieux car le rugby était, en Afrique du Sud, le sport des blancs. De plus, l'équipe des Springboks n'était pas au mieux de sa forme. Si la victoire finale n'a sûrement pas résolu beaucoup de problèmes économiques ou sociaux, elle a certainement contribué à améliorer la tolérance entre blancs et noirs. Une portée toute symbolique, certes. Comme ce fut le cas pour le drapeau Arc-en-Ciel. Et ce n'est déjà pas si mal dans un difficile processus politique de mise en place de la démocratie et de la réconciliation.

Au-delà de la mise en scène impeccable des différents personnages, il faut parler de la splendide et très crédible prestation de Morgan Freeman dans le rôle du président : intelligence, finesse et humilité. La force de conviction qui donne envie à l'interlocuteur de se surpasser. La nécessaire manipulation de l'opinion pour la ramener à l'objectif.

Matt Damon, tout en muscle, fait un très honorable capitaine de l'équipe. La scène – très belle – de l'invitation à un thé au palais présidentiel le montre avec justesse, fasciné et subjugué par un Mandela impérial à pousser ses pions délicatement. À sa femme qui lui demande de quoi ils avaient parlé, il ne sait que répondre "il veut qu'on gagne la coupe du monde".

J'aime beaucoup dans ce film la dimension poétique que Mandela (Freeman) apporte avec la force de ce poème "Invictus" qui l'a soutenu tout le long de son emprisonnement et qu'il transmet (transfère) à Matt Damon.

Pour mon âme invincible et fière

La scène de la visite de la prison et de l'ancienne cellule de Mandela est très forte et chargée d'émotion.

Je suis le maître de mon destin

Je suis le capitaine de mon âme.

Ah oui, il faut quand même que je parle du rugby car ça occupe quand même pas mal de temps sur les deux heures du film. Oui, mais quoi en dire sinon que je déteste ce sport ! Je peux garantir en parler en connaissance de cause pour avoir fait mes études secondaires dans un lycée de banlieue de Clermont-Ferrand. À Montferrand, plus exactement. Où un garçon se devait de le pratiquer, à la façon "marche ou crève"…

Alors qu'on ne compte pas sur moi pour dire si les gens jouaient correctement ou s'il y avait des invraisemblances. Le rugby ici n'est, pour moi, bien sûr, qu'un prétexte qui reste cependant spectaculaire dans les affrontements et les corps à corps.

De même que des esprits (forcément) malveillants vont me susurrer à l'oreille que les All Blacks avaient la chiasse suite à un laxatif trop fort dosé ou que l'arbitrage dans la demi-finale contre la France était discutable.

Non, ces esprits (forcément !) malveillants ne parviendront pas à me détruire ce magnifique film rempli de magnifiques symboles humanistes !

JeanG55
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le 18 août 2023

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JeanG55

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