Y a toujours un truc dans les films d'Assayas...
Une maîtrise bluffante de la caméra, c'est sûr. A voir c'est souvent impressionnant. Même quand tout ressemble à un bordel parfait, improvisé (avec talent), sa caméra est là, qui frétille, qui chope parfaitement ce qu'il faut choper, qui saisit des instants magiques comme nul semble n'y arriver et se balade en s'imposant.
Se prêtant à une approche quasi-documentaire (le film pourrait en effet s'appeler "Maggie Cheung plongée dans le cinéma d'auteur parisien"), le réalisateur se livre à une introspection maligne et à l'envers grâce à un scénario malin au rythme endiablé. Mais cette grande intelligence d'écriture, n'est pas forcément ce qui fait de son cinéma une particularité.
Y a un autre truc, un truc qui fait mouche à chaque fois.
Un truc indescriptible, bizarre, qui sort de nulle part, qui inquiète un peu, déroute, perd le spectateur. C'est une scène, presque fantastique, un truc inexplicable (et qui toujours reste inexpliqué) qui donne à ce film son charme si particulier (parce que l'improvisation, l'apparent bordel, les parties expérimentales (sublimes lectures graphiques des rush dans un final excellent), tout ça peut parfois lasser, se faire se demander "quel est l'objet de ce film ? sa direction ?"). Une scène où notre héroïne, cette actrice hong-kongaise venue en France découvrir le cinéma d'auteur, semble se métamorphoser en le personnage qu'elle interprète (et on connait bien l’ambiguïté qu'aime glisser Assayas sur ses personnages principales). A pas de velours/voleur, dans sa tenue de latex, elle glisse dans les couloirs d'un hôtel et subtilise le bijou d'une femme, nue, au téléphone, qui ne la remarque pas. Elle monte sur les toits de l’hôtel, et, sous une pluie battante, jette le bijou.


Entre charme sexuel et comique, entre documentaire et fiction, entre fantastique et réalisme, entre brouillon et maîtrise, entre douceur et horripilation, entre cinéma et réalité, le cinéma d'Assayas est d'une richesse novatrice inexplicable. Ce film, dans son débordement gratuit, en est une belle représentation.

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le 26 déc. 2016

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Charles Dubois

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