La plupart des amateurs du genre le répètent, ces dernières années l’horreur au cinéma vit un peu sous perfusion. Beaucoup de jeunes réalisateurs arrivent à tirer leur épingle du jeu en direct-to-video, mais ça ne fait que souligner un gros problème de distribution. J’aurais rêvé de voir l’éminemment jouissif, généreux et inventif Wolf Creek 2 sur le grand écran, pour n’en citer qu’un. A part ça, les sorties horrifiques en salle sont partagées entre remakes, reboots, suites et autres found footages sur des sujets de plus en plus débiles, bref les surprises se font rares. Dans ces conditions, difficile de ne pas s’enthousiasmer quand un film d’horreur un peu ambitieux se voit distribué au cinéma.

A l’inverse, j’ai aussi appris à me méfier un peu des critiques à ce niveau, qui encensent parfois à l’excès ce genre de films par faute de concurrence (il suffit de voir l’affiche, un peu racoleuse à ce niveau-là). Enfin, on ne juge pas un film sur l’affiche ou les critiques, donc passons. Dès l’intro, très réussie et bel hommage à Halloween, le réalisateur pose une ambiance lourde et menaçante, sans expliquer d’où vient le danger. Cela viendra un peu plus tard, sauf si vous avez lu le synopsis bien sûr. Je vais de toute façon en parler, car sans ça difficile d’élaborer sur le reste du film. L’idée, simple mais terrifiante, est qu’une entité vous poursuit et cherche à vous tuer si vous avez des relations sexuelles avec une personne déjà maudite/infectée (on ne sait pas d’où c’est parti mais on s’en fout). De plus, cette entité peut prendre la forme de n’importe qui, un inconnu comme un de vos proches. La seule façon de s’en débarrasser est de coucher avec quelqu’un d’autre, mais elle reviendra à vous si cette autre personne meurt.

On remarque donc que les plus grosse influences du film sont des œuvres de John Carpenter, que le réalisateur semble tenir en haute estime. Halloween comme je le disais plus haut, pour les quartiers résidentiels, la saison, le plan-séquence d’introduction, l’entité lente mais indestructible. Il y a également un côté The Thing et Invasion Los Angeles dû au fait que cette entité puisse prendre l’apparence de n’importe qui, ce qui créé une parano constante des personnages poursuivis. Un héritage largement confirmé par la très bonne composition de Disasterpeace, qui fait écho à celles de Carpenter, et par la mise en scène, qui sait prendre son temps. Actuellement, on en arrive presque à dire qu’un film d’horreur s’annonce bien s’il ne mise pas sur les jumpscares comme seule façon de faire peur. Le film n’en est pas dénué, mais comme chez Carpenter (encore une fois), ils sont bien amenés et cohérents, pas juste là pour faire sursauter gratuitement.

Si on a peur dans ce film, c’est bien parce que la parano s’installe dès le début, et qu’un rythme calme est fermement maintenu, jouant habilement avec les attentes du spectateur. Une chose est certaine, vous n’aurez jamais autant scruté les figurants au second plan que dans ce film. Une des scènes les plus tétanisantes du film voit apparaître un géant de plus de deux mètres dans l’encadrement d’une porte, sans aucune surenchère, pourtant vous risquez bien d’oublier de respirer pendant quelques secondes. On retourne en quelque sortes aux fondamentaux, pas seulement à ce qui a marché dans les années 80. Trop de films récents se sont pris les pieds dans l’hommage à cette décennie culte à beaucoup de niveaux, sans proposer quelque chose de personnel.

Ici nous avons un petit groupe d’ados suffisamment bien définis pour les besoins de l’histoire, que l’on peut mettre dans des cases en restant en surface, mais qui se révèlent attachants au cours du film. Les archétypes existent de toute façon dans la vie, l’important c’est que les personnages soient crédibles, et ils le sont. C’est ce qui manque à trop de productions du genre, sans croire aux personnages, il peut bien se passer n’importe quoi, on ne sera pas impliqué. Le fait de choisir des ados en pleine découverte de la sexualité et de les confronter à cette menace évoque forcément le SIDA, là encore un sujet abordé indirectement dans beaucoup de films des années 80. Comme certains ont pu le faire remarquer, il semble étrange dans cette optique que l’on puisse s’en débarrasser en couchant avec quelqu’un d’autre. Ce serait oublier que le film a tendance à prouver le contraire, par les principes mêmes énoncés plus haut, on ne peut jamais totalement s’assurer d’en être débarrassé (et pourtant les personnages iront de plus en plus loin, par désespoir, pour trouver une solution).

Voilà donc un film d’horreur nettement plus intelligent et sincère que ce que l’on peut voir en moyenne au cinéma, qui a aussi ses défauts comme un dernier acte pouvant céder à la facilité, mais il serait dommage de bouder son plaisir pour ça.
PS : le film n’est pas sexiste, ne vous laissez pas influencer par n’importe qui juste parce qu’il y a des jolis dessins (je vous renvoie à mon statut sur le film).
blazcowicz
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 2 mars 2015

Critique lue 479 fois

13 j'aime

1 commentaire

blazcowicz

Écrit par

Critique lue 479 fois

13
1

D'autres avis sur It Follows

It Follows
Kogepan
8

Miii ._. (ou : les aventures d'une souris devant un film d'horreur)

Je ne regarde pas beaucoup de films d'horreur. J'ai les bases, j'aime bien occasionnellement me poser devant un bon gros film terrifiant avec une bière, un coussin (très important, le coussin) et mon...

le 11 févr. 2015

134 j'aime

9

It Follows
Velvetman
8

Only monster forgives

Où sommes-nous ? Ce bruit assourdissant, dissonant, qui nous parvient à la vue de ce quartier pavillonnaire tout droit sorti de Blue Velvet ou Donnie Darko. Une jeune adolescente peu vêtue sort de...

le 5 févr. 2015

117 j'aime

8

It Follows
Sergent_Pepper
7

Suivre et survivre

C’est sur un éblouissement propre à séduire le cinéphile peu connaisseur du genre que s’ouvre It Follows : une superbe leçon de mise en scène. Le plan séquence initial, tout en lenteur circulaire,...

le 15 juin 2015

115 j'aime

11

Du même critique

Fury
blazcowicz
8

Tin Men

Si vous êtes un minimum amateur du genre, vous ne devez pas être sans savoir que le film de guerre est une espèce en voie de disparition. Il faut remonter à Démineurs pour la guerre moderne et au...

le 23 oct. 2014

62 j'aime

1

Deadpool
blazcowicz
6

La piscina de la muerte

Ce Deadpool, je le surveillais depuis un petit moment. En projet depuis une dizaine d’années, il promettait de bousculer quelque peu les codes des films de super-héros, comme le fit par la suite...

le 10 févr. 2016

51 j'aime

9

Wolfenstein: The New Order
blazcowicz
8

Shootin', stabbin', strangling nazis

Avec un pseudo et une image de profil pareils, je ne peux pas laisser la flemme me gagner et passer à côté de la critique de ce jeu, sinon je ne les mérite pas. Je ne fais pas exactement partie de...

le 21 juin 2014

48 j'aime

4