Tout bon connaisseur du Slasher vous dira que le thème principal du genre reste la sexualité des adolescents: de Halloween, où la seule survivante est celle qui ne couche avec aucun garçon, jusqu'à Vendredi 13, où les jeunes gens sont punis pour avoir forniqués plutôt que d'avoir surveiller le camp, en passant par les remarques et attitudes salaces de Freddy Krueger dans Les griffes de la nuit, le sexe est partout. Pour son deuxième film David Robert Mitchell plonge dans les racines du genre pour nous proposer une histoire d'adolescents en plein boom hormonal persécutés par une entité malfaisante. Mais on est loin du cliché habituel de l'adolescent américain obsédés par les fêtes et les fontaines à bière, on est même loin de l'horreur classique. It Follows est avant tout un film sur les tourments de l'adolescence mais ce n'est plus celle de l'insouciance ou des enfants gâtés. C'est une adolescence tourmentée, en plein crise existentielle et surtout abandonnée (les parents sont, pour la plupart, complètement absents) que nous montre le réalisateur, une génération perdue qui hante une banlieue américaine aussi typique que déprimante.


Avec une caméra lancinante et des nappes de synthé envoûtantes Mitchell s'éloigne de l'horreur américaine actuelle, pas de montage hystérique ni d'effets sonores à vous faire saigner les oreilles, tout est affaire d'ambiance, de tension sourde. La "présence" du film est du même tonneau, elle se débarrasse d'ailleurs de la principale caractéristique du méchant de Slasher: pas d'arme tranchante, pas d'arme du tout, en fait. Pas de forme caractérisable ni de design accrocheur non plus, la présence est juste là, quelque part. Avec sa mise en scène froide et son découpage posé, le film arrive à entretenir un mouvement lent mais inexorable, sans violence ni dégoût mais avec une véritable angoisse, une sensation d'inconfort qui ne vous lâche jamais totalement. Que ce passe-t-il vraiment ? Le jeune réalisateur n'apporte pas de réponse, ni de solution, simplement des pistes, des légendes urbaines. Le mythe s'entretient tout seul au sein du film, privé de rationalité les personnages se raccrochent à ce qu'ils peuvent. Ce faisant Mitchell n'oublie pas que la plus grande qualité du fantastique est justement son mystère et son rapport énigmatique au réel. En filigrane on lit beaucoup de choses : la peur de grandir, l'amour à l'époque du SIDA, le carcan d'une société figée qui broie ceux qui aspirent à moins de superficialité. La fin est à la fois d'une noirceur sans borne et à la fois la seule note d'espoir de tout le métrage, c'est au spectateur de choisir quoi y injecter véritablement.


Certains passage fonctionnent un peu moins bien que d'autres mais l'hommage Carpenterien (La jolie musique synthwave signée Disasterpiece, la figure de mal absolu, la mise en scène racée) tient parfaitement la route surtout qu'il n'empêche pas l'expression d'une vraie personnalité, ni d'une vraie modernité de ton. Contemplatif et introspectif It Follows est un film étouffant mais beau, tragique mais lucide. A l'heure où le Cinéma d'horreur est fait pour être consommé et oublié sur le champs pour faire place au suivant, It Follows est au contraire un film qui vous hante, vous imprègne et vous interroge.

Vnr-Herzog
8
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le 22 juil. 2015

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