On connaît ces quartiers résidentiels aux parents absents, ce voisinage tangible mais invisible, ces regards posés d'une maison à l'autre, d'un jardin à l'autre, fenêtres allumées observées de la fenêtre d'en face, cette rue à traverser, ces espaces verts souvent déserts.

C'est une adolescence sans particularité coincée dans un quartier de Detroit, travaillée par la sexualité, en quête de découvertes, n'attendant rien, attendant tout. La malédiction est transmise sexuellement et s'impose alors, sans que l'on sache d'où elle vient, ce qu'elle veut, ce qu'il faut vraiment faire pour sans débarrasser, à moins d'une nouvelle relation sexuelle, mais rien n'est moins sûr...

Pur film de mise en scène [l'angoisse est ici affaire de cinéma], It follows développe son sujet avec simplicité et rigueur. L'excellente idée de départ, cette chose qui suit dont le sexe est le catalyseur [on pense évidemment au SIDA], n'est gaspillée ni dans d'oiseuses explications ni dans d'inutiles effets numériques [on est bien sûr à mille lieux du cinéma "d'horreur" grand public].

Mouvante et féline, toujours observatrice, parfois insidieuse, la caméra de David Robert Mitchell dessine les contours d'un faux road movie en boucle et sans espoir, les héros revenant toujours à leur point de départ, utilisant la puissante cinégénie de Detroit pour nourrir le cauchemar éveillé de visions d'une Amérique en ruine.

Les images sont magnifiques, la lumière sublime, certains plans renversants de beauté. On pense beaucoup à John Carpenter, énormément, pour la puissance de la mise en scène et l'omniprésence de la musique [Disasterpeace]. On pense aussi à Wes Craven, forcément, et même à Gus Van Sant, mais pour d'autres raisons.

Maika Monroe est une héroïne parfaite, jolie, fraîche et déterminée, aussi juste quand elle crie que quand elle lutte. Le reste du casting est à la hauteur, notamment Keir Gilchrist, sorte de James Woods jeune.

Brillant dans le fond comme dans la forme, sans doute un peu trop référencé, It follows est tout de même une belle surprise, et un bien beau moment de cinéma.
pierreAfeu
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le 5 févr. 2015

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pierreAfeu

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