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Il est souvent surprenant de découvrir ce genre de cinéaste développer leurs conflits intérieurs, au premier degré. Ivana Mladenovic ne cache pas son envie d’autofiction, jusqu’à insérer le brin authentique de sa crise existentielle. Et c’est à partir de là qu’une partie des spectateurs pourraient, à juste titre, relâcher leur attention pour un sujet qui ne les concerne pas et qui ne les immerge évidemment pas. Il faudra ainsi considérer tout le contexte de ce projet qui a ramené cette réalisatrice sur sa terre natale, car il y a du vrai dans cette thérapie made in Kladovo. Ce retour aux sources devient intemporel dans l’esprit d’une femme qui cherche inévitablement à briser la barrière entre la réalité et ce qu’elle perçoit. L’écart n’est pas si mince que cela et il est donc étonnant de découvrir comme un drame, répété et retravaillé, s’est transformé en une comédie légère et absurde.


On nous installe dans le trouble obsessionnel d’une Ivana Milenkovic perdues et qui peine à déceler la véritable nature de son angoisse. Il est évident que son passage en Roumanie l’a marqué, mais c’est justement dans le contraste qu’on pourra mieux brosser le portrait d’une Serbie qu’elle redécouvre. L’héroïne investie donc cette ville, où elle recroise ses fantômes et ses remords, à commencer par sa famille qui ne lui apporte guère le réconfort qu’elle convoite. Mais son attitude n’aide pas pour autant et ses caprices se multiplient aussi rapidement qu’elle génère de nouveaux mutismes. Elle laisse ainsi son entourage s’exprimer. Parents, amis et amants sont reformatés pour l’occasion et viennent nourrir de plus en plus toute la dérive psychologique d’Ivana, qui n’a rien de si terrible ironiquement. De même, on peut trouver le même sentiment dans l’approche d’un festival qui feint de célébrer une amitié roumano-serbe.


Toute l’attention nous ramène à l’intérieur de la tête d’une Ivana ivre et régressive, jusqu’à reproduire les mêmes erreurs passées, ce malgré le prestige qu’elle ramène avec elle. Son statut d’actrice lui confère une notoriété, que sa famille piétine tandis que d’autres préfèrent la courtiser pour l’intérêt patrimonial. Ce sont donc les traditions et autres conventions sociales qui la poussent à exprimer son désarroi, avec toute une maladresse qui définit finalement très bien son caractère. Son mal-être arrive à maturité une fois le point de non-retour atteint et c’est ce qui lui fallait pour compenser ce manque de confiance en soi. Elle a besoin de se sentir honorable, malgré ses quelques pas en retrait, malgré qu’elle puisse défier l’autorité de ses parents ou encore dégrader son image vis-à-vis de ses amis. Et en l’acceptant, elle s’acquitte d’un impératif pour enfin renouer avec la détermination qui l’a rendu libre de ses mouvements et de ses pensées, d’où sa précédente croisade de l’autre côté du Danube.


Désormais, les frontières n’ont plus lieu d’être, ni dans l’espace, ni dans l’esprit de la réalisatrice qui a finalement trouvé la parade à son désir de provoquer. Cela n’est pas toujours subtil, car la prestation de certains intervenants est parfois hésitante, mais on s’en amuse. On se permet d’apprécier cette fébrilité dans le récit, le rendant plus légitime en tant que mémoire. Grâce à plusieurs personnages féminins forts, « Ivana The Terrible » trouve également une place pour conclure sur une note poétique, en décalage avec son discours de légèreté et de liberté. Il y a donc de quoi donner envie d’aller explorer son premier et précédent long-métrage, « Soldiers. Story from Ferentari », de même pour ses courts, qui apporteront plus de lumière à ce caractère ambivalent et à ce style, rappelant parfois quelques vertiges d’un Woody Allen au bord des nerfs.

Cinememories
7
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le 16 déc. 2020

Critique lue 248 fois

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