Tout comme Clint Eastwood ou Martin Scorsese, Roman Polanski fait parti de ces cinéastes dont l’âge ne semble pas altérer leur productivité. Avec J'accuse, sa trente-neuvième réalisation, l’auteur analyse l'Histoire de France à travers un célèbre procès.


L'affaire Dreyfus est, d’une manière générale, connue de tous : un officier, de confession juive, est accusé à tort de haute trahison.
La volonté du metteur est de narrer les événements qui ont suivi le premier procès. Nous suivons donc le parcours du Colonel Picquart, ancien formateur du Capitaine Dreyfus, et son rôle au sein de cette Histoire.


En prenant comme personnage principal un être intègre, bien qu’ayant des idéaux plus que discutables, le réalisateur crée une dynamique résidant sur la dichotomie entre sa conscience professionnelle et ses convictions personnelles.
Au fil des événements, l'homme va être confronté aux machines politique et militaire. Sa quête de vérité entre en collision avec l'inflexibilité de ces institutions où le paraître prévaut sur la justice.


Outre ce chemin de croix entrepris par l'officier, l’antisémitisme ouvertement affiché, par toute une partie de la population, est tétanisant. L’auteur traite cet aspect par à-coups.


Dans un premier temps, cette manifestation haineuse se traduit par des blagues de mauvais goût. Au fil de la bobine, nous prenons conscience de la situation, notamment lorsque cette parole provient de hauts dirigeants. On comprend donc que, plus qu’un cas isolé, le mépris envers cette communauté est banalisé, institutionnalisé. Il est ancré dans les mœurs de cette époque.
Il est intéressant de voir la façon dont ce rejet s'exprime. La mise en parallèle avec notre société contemporaine est imparable. Lorsque l’on observe le traitement subit par les communautés juive et musulmane, il est difficile de ne pas voir les similitudes. On retrouve les mêmes visions fantasmées d’individus à l’esprit étroit. On découvre cette manière d’être obnubilée par une minorité et l'impact que cela a sur leur capacité de réflexion. On assiste, surtout, aux conséquences d’un tel état d’esprit et la façon dont elles détruisent la vie des personnes osant s’opposer à ce système.


En faisant errer Jean Dujardin au sein de ces différentes strates de la société française, Polanski dresse un tableau anxiogène de l'Hexagone du XIXéme siècle.


En plus de deux heures de bobine, l’auteur réussit donc à nous faire revivre cette terrible affaire. Au vu de la complexité de cette dernière et la pléthore de personnalités impliquée, la capacité du réalisateur, à respecter ces aspects tout en gardant une lisibilité narrative, démontre l'étendue de son talent.

tzamety
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le 11 nov. 2019

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