Critique : Jack le chasseur de géants (par Cineshow.fr)

Drôle de projet que Jack le chasseur de géants. Et drôle de film à l’arrivée. Véritable arlésienne tant l’accouchement de film fut compliqué (la production débuta en 2009…), ce nouveau Bryan Singer marque les esprits par la neutralité totale du propos et un balisage intégral de l’histoire, une vraie déception au regard du potentiel général et de l’envie initiale. Né du croisement de deux contes populaires anglais Jack le tueur de géants et Jack et le haricot magique, cette nouvelle adaptation de grandes histoires populaires à la sauce 21e siècle montre les limites de tout un système de production cherchant à mixer divertissement mainstream sans risque et œuvre épique et ambitieuse. Quand on se remémore la pré-production (qui date un peu c’est vrai), le hic semblait presque inévitable. Singer fut presque forcé par contrat de réaliser le film pour Warner, son acolyte de toujours Christopher McQuarrie (scénariste de presque tous ses films et récent réalisateur de Jack Reacher) fut chargé de ré-écrire le script initialement basé sur les coups de crayon de Darren Lemke (Shrek 4) et David Dobkin. Dès lors, les problèmes de cibles devenaient évidents et le film en l’état est la résultante d’un consensus un peu foireux, tentant bien des choses pour s’élever au rang de grande aventure mais cantonné à un statut d’anecdote tant les moyens ne semblent jamais à la hauteur des ambitions.

Pourtant et à de nombreux titres, l’entreprise est louable et sincère dans sa volonté d’assurer le spectacle tout en portant références aux grands films d’aventures de l’ancienne époque. Bryan Singer qui n’est clairement pas le plus manche des réalisateurs américains avait notamment prouvé à travers ses X-Men que mener des scènes d’action et un rythme grandissant n’était pas hors de sa portée. Un savoir-faire qu’il use tout au long de Jack le Chausseur de Géants pour rendre épique voire même impressionnant le plus de passages possible. Et si ce sont finalement les élévations tonitruantes et dévastatrices des haricots lors de leur pousse qui se révèlent les plus intéressantes visuellement et sur le plan dramatique, l’essence même du film à savoir la quête de Jack et des armées du roi pour retrouver la princesse n’intéressant pas vraiment…

Un problème évident qui incriminera un script ne donnant aucune épaisseur aux personnages qui se retrouvent simples pantins, bons ou mauvais, dans une aventure déjà vu mille fois si l’on oublie un peu le contexte. Un sentiment d’autant plus grandissant que les acteurs campant les rôles secondaires (Ian McShane en roi, Ewan McGregor en chef des armées ou encore Stanley Tucci en traître) demeurent bien plus intéressants que le duo central. N’hésitant jamais à cabotiner plus qu’il ne le faudrait, ils se démarquent sans mal de la mollesse véhiculée par Nicholas Hoult, personnage héroïque par son fonction dans le récit mais dont le manque de charisme se révèle vite un réel souci. La jeune Eleanor Tomlinson ne déshonore pas mais avec un personnage flirtant avec celui de la reine potiche et incapable d’en sortir par elle-même, il parait également bien difficile de s’en tirer quelque chose.

Et ces problèmes relatifs aux personnages humains trouvent également un écho lorsque la confrontation avec les géants arrivera à mi-film. Outre un design qui peut laisser un peu dubitatif, les péripéties qui se déroulent dans leur monde ne laisse la place à aucune surprise et demeure une sorte de synthèse moins drôle de Jack Sparrow emprisonné chez les Indiens Cannibales dans Le Secret du coffre maudit. On y retrouve les mêmes enjeux, les mêmes scènes, et même lorsque Singer arrive à insuffler un tantinet d’héroïsme à son action, personne n’est vraiment dupe. Archi-standardisé, Jack le chasseur de géants devra attendre son dernier acte (après un climax arrivant bien trop tôt dans le récit) et son évolution vers le film de siège pour trouver un vrai regain d’intérêt. Là encore, Bryan Singer fait ce qu’il peut pour orchestrer une bataille impressionnante, souligner le rapport de force humains/géants et mettre sur un piédestal son personnage central, celui qui jadis fermier devint le roi aimé et respecté du peuple anglais, mais rien n’y fait. Un constat amer fortement alimenté par la laideur sans pareille des effets spéciaux tout droit d’une sortie d’une production direct-to-dvd du début 2000. Financements trop légers, ambition trop forte, extrêmes tensions, ou simplement l’effet du temps (encore une fois, certains passages datent de 4 ans), on ne pourra pas se prononcer sur les raisons d’un tel raté visuel mais toujours est-il qu’après Le Hobbit fin 2012 et ses batailles ultra-réalistes ou plus récemment Oz de Sam Raimi et son univers fantastique splendide, notre bon Jack fait un peu mal à la rétine.

Les signes soulevant l’inquiétude du projet ne mentaient donc pas. Il fallait bien voir dans le décalage de juin à mars par Warner la peur du vrai plantage, dans les bandes-annonce ratées la peur des effets spéciaux mal finalisés, et dans cette production bien trop longue le témoin d’un projet malade et jamais vraiment guéris. Il est clair que si l’homme derrière la caméra ne s’était pas appelé Bryan Singer, Jack le chasseur de géants aurait été une probable bouse tant le style carton-pâte et le manque d’envergure du script ne pouvaient laisser imaginer mieux. Pourtant, comme par miracle, l’homme à qui l’on doit le génial X-Men 2, Usual Suspect ou Superman Returns sauve l’entreprise du marasme et parvient à faire de cette entreprise gangrenée de l’intérieur un spectacle juste divertissement, absolument oubliable, mais qui ravira probablement les plus jeunes moins regardant que leurs aînés par ce type de considérations.
mcrucq
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le 26 mars 2013

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Mathieu  CRUCQ

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