Un héros solitaire à la rencontre de Batman et du héros de "Drive". Un vrai bon moment ciné.
Le vigilante movie (film dont le héros se fait justice en dehors de toute loi) est un genre on ne peut plus casse gueule. A la mode dans les années 70's qui a mis en exergue le genre avec des oeuvres discutables (les "Dirty Harry" et autres Charles Bronson), le genre est souvent apparenté à des films un brin réac à la morale douteuse. Malgré tout des films ont su utiliser le genre intelligemment et ont livré quelques monuments du cinéma contemporain ; "Taxi Driver" en est le plus grand représentant, mais il y a aussi des exemples récents comme "Death Sentence", et par extension la saga "Batman", qui montrent que le genre peut, avec un minimum de recul et de réflexion de la part des auteurs, livrer du bon vrai ciné. Voilà donc le petit dernier, "Jack Reacher" dont la BA et le titre nous font furieusement penser à une exploitation très série B du genre. Sauf que l'homme derrière la caméra c'est Christopher McQuarrie, le scénariste de "Usual Suspects", et l'homme devant la caméra c'est Tom Cruise (qui produit en plus l'affaire), personnage controversé dans le civil mais acteur de renom et surtout quasiment infaillible dans ces choix de carrière (pourtant osés). A t-on en fait déjà vu un film vraiment mauvais de Tom Cruise? Alors ce "Jack Reacher", première erreur de parcours? Non. Loin de là.
En fait de vigilante le film n'en a pas l'allure, du moins dans les 2 premiers tiers du film. Jack Reacher apparaît plus comme un super héros justicier de l'ombre (les références en la matière sont nombreuses), sans costume ni masque mais à la dimension quasi mystique. Peu de gadgets et pas de super pouvoirs à proprement parlé, notre héros fait plus dans le cassage de clavicule et ouverture d'arcades. Un étrange mélange de Batman et du héros solitaire anonyme de "Drive". Construit autour d'une enquête assez bien fichue, le squelette du film s'articule autour d'une intrigue qui mêle complot et faux semblant. Et le film, après une intro efficace, sait retenir les coups ; peu de scènes de pure action pendant une bonne heure, mais une vraie écriture d'intrigue, de personnages et de dialogues. Pas mal de dérision et d'humour (sans tomber dans le pastiche) viennent dégonfler ce qui pourrait paraître présomptueux, et nous font digérer quelques facilités de script. Le film se forge ainsi un vrai caractère avant de lâcher les chevaux pour 2 scènes d'action d'anthologie ; une course poursuite haletante et un gunfight costaud. Les 2, livrés après nous avoir bien fait saliver, sont livrés à l'état brut. Pas de musique sinon le bruit du V8 de la Chevrolet Chevelle ou les bruits secs des fusils d'assaut. Une efficacité redoutable qui rappelle la scène d'intro de "Drive" (encore lui) pour l'une et la fusillade New-Yorkaise de "Heat" pour l'autre. C'est dire le potentiel culte du film.
Dommage que le film cède sur la fin à un ou deux choix un peu polémiques et discutables. On dira que c'est inhérent au genre, même si cela est risqué quant à l'effet négatif que cela joue sur l'empathie envers le héros. Mais c'est aussi l'âme d'un grand film ; savoir prendre des risques et les assumer. Tom Cruise l'a bien compris, et après le sous-estimé et incompris "Night and day", il prouve qu'il est un acteur (et ici un producteur) solide et perspicace.
Un pur polar efficace qui ne ressemble à rien d'autre et livre quelques vraies belles séquences de cinéma.