D'ordinaire, je regarde le cinoche de Tarentino sans complaisance, le foutraque Kill Bill 1 excepté. Le nombrilisme et la verve tapageuse, vulgaire, violente et faussement provocatrice de ce réalisateur me tapent sur les nerfs.
Ici, j'éprouve de la compassion pour cet auteur grâce à ce film où, comme devant un bocal, je vois tourner ces américains pathétiques, fonctionnaires d'un mercantilisme injuste et corrompu, coincés entre le béton, le travail et les bagnoles, et qui croient que l'argent à tout prix fait le bonheur. On peut s'acharner comme moi à regarder par la fenêtre de la villa de luxe du truand l'image floue et presque irréelle du rivage de l'océan, qui est comme un symbole de cet aveuglement au monde naturel.
Mais Tarentino nous fait presque paraître fréquentables cette minable hôtesse de l'air et, pire, ce chasseur de primes moderne désabusé qui représentent les "bons" de ce polar reprenant sans prétention le thème du "Tel est pris qui croyait prendre". Aidés par le sevrage des séries policières américaines vues dans l'enfance, nous pouvons comprendre avec compassion les parcours pitoyables des habitants de ce monde sur-urbanisé qui rament et filoutent à qui mieux-mieux pour échapper à leur civilisation de m..de. Surtout quand Jackie Brown devenue riche, figée dans son sourire professionnel d'hôtesse de l'air, parle d'aller refaire sa vie à Madrid ; comme si cette ville peu intéressante et polluée était le paradis. Plus révélateur encore est le cas de Bridget Fonda, dont l'évolution dans la vie réelle fournit un drôle d'écho au personnage de minette sexy et légère qu'elle campe dans Jackie Brown en 1997. Aujourd'hui, l'actrice qui a 61 ans est devenue obèse avec de grosses lunettes, loin du fantasme qu'elle incarnait avec son mini-short en jeans.
Vu 28 ans après sa sortie, j'admets que ce film inhabituel de Tarentino est un bon document socio-historique et incline à réfléchir sur le "miracle" américain.