Astérix, terre de contrastes.
Avec L'Iris blanc, Fabcaro et Conrad sortaient la série culte de l'ornière de l'exploitation commerciale avec un scénario facétieux à la Goscinny porté par un dessin sans bavures.
Astérix en Lusitanie nous y remet avec la grâce d'un camping-car de standing sur un chemin de terre niché dans la campagne. Bref, c'est du lourd, mais pas au sens où on l'aimerait. Cette semaine de vacances en Lusitanie, prise comme une soudaine envie de nature au printemps pour un employé de bureau parisien, trouverait largement sa place au dos d'une carte postale 10x15 cm défraîchie de Lisbonne. Que les poncifs éculés y passent, soit, mais pas à la façon d'un diaporama de retour de vacances ! Goscinny ratait rarement son coup dans cet exercice, reflétant sa position dans l'air faussement quelconque du malicieux petit gaulois à moustaches blondes, lui qui était belge d'ascendance juive ashkénaze. L'oeil de Fabcaro dans cet Astérix en Lusitanie est plutôt à trouver dans ce couple de néo-beaufs gaulois dans leur char-à-vannes.
Alors c'est une déception pesante. L'intrigue est simpliste et sent le réchauffé conventionnel, les dialogues suivent ce rythme. Aucun personnage n'inspire l'intérêt et je ne me suis même aperçu de la présence d'Idéfix que vers la fin, lorsqu'il est question de l'empêcher de monter sur un bateau. Obélix souligne la lourdeur de dialogues parsemés de jeux de mots fonctionnels : Fabcaro transforme en bavard inutilement râleur et trop "malin" ce contrepoids élégant d'Astérix que Goscinny avait conçu comme un autiste XXL, un ballon de baudruche destiné à extirper le héros des problèmes où le piégeait parfois son audacieuse astuce.
Quant au thème du Portugal, il est exploité sans vergogne au profit d'une mauvaise comédie à la française dont on imaginerait volontiers une adaptation ciné avec Christian Clavier et Depardieu. Pourtant il y avait tant à dire de ce pays, de son histoire et de ses habitants ! Voilà un gâchis qui mériterait bien un Fado.
Bref, tristesse est de constater que l'auteur de Zaï-zaï-zaï-zaï n'est finalement pas à la hauteur de Goscinny, et malgré quelques prouesses uderziennes dans les décors, on sent que Conrad se relâche, peut-être par manque de motivation ? Le prochain album fait par Fabcaro, je l'emprunterai.