Franco Zeffirelli fut d'abord un passionné de l'œuvre de Shakespeare dont il mit en scène certaines de ses pièces, que ce soit au cinéma ou au théâtre, avant d'aborder le roman phare de Charlotte Brontë, "Jane Eyre", pratiquement à la fin de sa carrière ...
Des quelques versions que j'ai pu voir, celle qui m'a semblé se détacher c'est celle de Zeffirelli pour plusieurs raisons. Malheureusement, je ne peux pas être très affirmatif car je n'ai vu la plupart des versions qu'une fois (en général à la télé) ; la comparaison ne peut qu'être biaisée car je connais très bien la version Zeffirelli puisque je dispose du DVD depuis une bonne dizaine d'années. Ce que je peux en dire, c'est certaines des versions m'ont paru s'éloigner de l'histoire et de son esprit, parfois même modifient l'ordre des scènes et utilisent le flash back à outrance, proposent une physiquement belle Jane Eyre, ou un Rochester très séduisant.
Celle de Zeffirelli respecte dans l'ensemble l'esprit du roman même si certains personnages ou détails sont gommés ou simplifiés : le séjour à l'orphelinat de Lowood est notablement simplifié tout en respectant les personnages clés. La simplification de la fuite éperdue de Jane après la cérémonie de mariage avortée est un peu plus gênante. Dans le roman, Jane Eyre fuit Thornfield et l'homme qu'elle aime pour tomber dans un état de souffrance et de honte encore jamais atteint puisqu'elle en est réduite à mendier. C'est une étape clé de son "chemin initiatique" qu'on peut regretter.
Mais surtout, le film rend très bien l'atmosphère très austère du roman et du personnage principal, Jane Eyre, dont le caractère évoluera et s'affirmera au fur et à mesure de ses expériences.
En particulier, le jeu de Charlotte Gainsbourg dans le rôle de Jane Eyre est excellent en ce sens où elle est, toujours, un personnage timide et effacé, jamais naïf mais qui sait montrer une méfiance innée face à l'avenir et une grande fermeté d'âme.
De plus en choisissant Charlotte Gainsbourg dont les grandes qualités d'actrice ne résident pas dans un physique qu'on pourrait qualifier d'avantageux, Zeffirelli force le spectateur à rechercher la beauté intérieure du personnage qui attirera justement Rochester dès leur première rencontre.
Il en est de même du personnage de Rochester interprété par William Hurt qui dans le film n'a rien de glamour et qui n'est pas physiquement beau non plus. Si la belle Blanche Ingram est un instant attirée, c'est que tout simplement, il n'est qu'un "beau parti". Dans le film, William Hurt campe très bien le personnage de Rochester qui montre un caractère impossible et exigeant que seul son regard triste dément. La gravure que Jane Eyre fait du personnage à son insu (innovation géniale de Zeffirelli par rapport au roman) montre qu'elle a deviné le vrai Rochester. "Vous m'avez percé à jour" dira-t-il.
Ainsi, le choix de Zeffirelli rend bien compte que l'amour profond entre Jane et Rochester n'est dû qu'à des qualités ou des considérations non visibles.
Autre point fort du film, c'est l'esthétique des lieux de tournage de la magnifique campagne anglaise du Derbyshire ainsi que des costumes qui là encore me semblent très en phase avec le roman.
Au final, ce "Jane Eyre" de Zeffirelli me parait être une très belle adaptation, intelligente et respectueuse, du très beau roman de Charlotte Brontë.