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Et bien ce qu'il faut dire c'est que déjà, c'était d'une beauté presque inégalable. Alonso opère un retour de l'espace et du temps, et par extension de l'image et du son, aux origines du dispositif cinématographique. Il remet la caméra à sa place, et fonctionne dans une économie extrême du montage, mais ce n'est pas pour déplaire, au contraire. Le récit se situe en 1882 à l'aube du cinéma, et pose son action durant la conquête du Désert argentine, ici en Patagonie. Il n'y aurait presque pas le besoin d'indiquer qu'on a là un pur Western dans tous les sens du terme. Le retour aux Lumière est évident, un format pellicule 35mm et un format d'image 1:33, mais ce n'est qu'un détail quand on voit le travail effectué sur l'utilisation du hors-champ et de la profondeur de champ. Entre lumières naturelle et artificielle qui donnent au décor un aspect surréaliste évident mais qui pourtant ne tâche en rien le réalisme propre au récit.


Le champ contre champ? le jump cut? les coupes de montage toutes les deux secondes? des mouvements rapides presque illisibles? Rien de tout ça, Jauja se lit comme un enchaînement de tableaux extrêmement lyriques en mouvement, il fait de la caméra l'oeil du peintre, se plaisant, fixe, à regarder l'homme s'éloigner et se rapprocher ou à errer dans un terrain vide et vaste.


En plus de ce travail fou sur la mise en scène et les idées qu'elle arbore, Alonso, assisté de toute l'équipe du tournage et particulièrement de Viggo Mortensen, applique à son film une forme de philosophie concise s'attardant sur les thèmes de l'absence, du guide, et de la quête de l'homme. Tout ce discours est opéré en finesse et transparaît à travers les bribes de dialogues ou de monologues. Enfin, et surtout, Jauja prend le risque de renouveler le pari de son récit à maintes reprises, ce qui a le don de dérouter naturellement. Mais l'ensemble est écrit avec tant de maîtrise que l'on ne peut quitter l'image des yeux. L'homme absorbé dans l'espace désertique rend notre regard complètement captif, prisonnier du décor envahissant.


Un film risqué à toutes les échelles donc, mais qui réussit avec brio son pari, celui de faire un film complet dans son utilisation du dispositif cinématographique. Et le Western est un choix adéquat, puisque s'il existe bien un genre cinématographique qui peut se permettre de traiter tout ce que le monde englobe, c'est bien celui-ci. Forcément, il est regrettable que le film profite d'une très faible distribution (moins de 30 salles), mais si l'occasion de voir ce film de Cinéma se présente, il vaut mieux sauter dessus à tout prix.

endist
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le 24 avr. 2015

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Justin M

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