Pour apprécier le film, il faut oublier la personnalité charismatique de Park Chan-Wook, ses films précédents, et de manière générale ce qui fait le cinéma aujourd’hui. La clé de cette œuvre profondément décalée est de se laisser surprendre. Surprendre par une charte graphique et visuelle foisonnante et irréelle, par un discours résolument anti conformiste et délirant, par une histoire d’amour ô combien attendrissante et délicieuse.


Park Chan-Wook vous embarque dans une dimension à des années lumières de ce que l’on connaît, son film est un beau poème surréaliste dédié à la vie, plus exactement à ce qui fait son sens. Le lieu clos qu’est l’hôpital psychiatrique est le théâtre où se joue la représentation de nos peurs, de nos questionnements, de notre place dans une société qui se veut aseptisée, homogénéisée dont la différence est rejetée.


La jeune Cha Young Goon est emblématique à ce sujet, elle confronte sa personnalité à des règles édictées par une voix (la raison sociétale) qui lui interdit entre l’attendrissement, l’imaginaire, la compassion, elle se doit d’être cruelle et sans état d’âme. Elle est interprétée par Lim Shoo-Yung, saisissante de réalisme. Sa rencontre avec Park II Soon (joué par l’étonnant Jung Ji-Hoon/Rain) cleptomane de la vie va bouleverser ses croyances. Ensemble ils mettent au point une lutte organisée qui les amènera à la délivrance, qui n’est autre que l’amour. Tout tient du fabuleux au sens propre (car la fable est géniale) comme au figuré.


La mise en scène explose en délires en tous genres. Forcément burlesque au début (la meilleure partie), plus profonde par la suite. L’inspiration intentionnelle de Chan-Wook se trouve du côté de Burton avec un univers acidulé à la Pee Wee, un somptueux générique à la « Charlie et la chocolaterie » une sublime musique qui suggère Elfman. On peut y retrouver aussi une atmosphère à la « Vol au dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman dans ce qu’elle avait de abyssale dans la démonstration des comportements, plus étonnant on pense souvent au « Roi de Cœur » de Philippe de Broca, dont le sujet est assez similaire. Mais le réalisateur reste bien ancré dans la réalité, et c’est dans ce sens qu’il réussit son film. L’apogée étant l’arrêt sur image, au détour d’une scène, où il nous colle sur un rebond de balle de ping pong « Peace in Koréa » qui frappe l’œil.


« Je suis un cyborg » est une œuvre à part, foncièrement novatrice et créative, un objet d’art qui vous interroge et nous replace amèrement face à notre propre condition d’homme. Déraisonnable, éblouissante, géniale et forcément captivante.

Créée

le 23 sept. 2014

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Fritz Langueur

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