Noir et blanc - vu en VOST

Dans le Londres d’après guerre, un ancien pilote de la RAF, Morgan (formidable Trevor Howard) désoeuvré se laisse entraîner dans un réseau de marché noir. Il ignore que le trafic peut toucher aussi la drogue. Quand il le découvre, il menace de quitter l’équipe. Pour se débarrasser de lui, le chef de la bande, Narcy (le shakespearien Griffith Jones) sabote un cambriolage pour le faire inculper. L’opération tourne mal et, dans la fuite, un policier est tué. Narcy assomme Morgan pour qu’il soit accusé du meurtre. Condamné, Morgan s’évade pour rechercher un ancien complice, Soapy, qui pourrait le faire innocenter. Une chasse à l’homme par Scotland Yard commence. Morgan, aux abois, fera des rencontres et notamment celle, tirant sur l’absurde, d’une femme (Vida Hope) dont l’aide aggravera son cas Ô combien. Puis, le fugitif, revenu à Londres, entamera une course contre la montre pour retrouver Soapy avant que Narcy n’élimine ce témoin gênant.

Il y a aussi d’autres femmes dans cette histoire d’hommes. La petite amie de Narcy (Sally Gray), celle du héros (Mary Merrall), la femme de Soapy, (Rene Ray - Susan Sarandon lui ressemble beaucoup), sans oublier la vieille fée, mauvaise âme de la bande.

Une atmosphère très « réalisme poétique » allégée par un humour cynique. Tous les personnages s’expriment avec un certain goût de la périphrase, très british et bien réjouissant, qui contraste fortement avec le style américain (que l’on adore cependant). Des bas-fonds londoniens avec bords de tamise brumeux, des décors assez stylisés (le film est tourné en studio et ça se voit bien), des effets de mise en scène peu nombreux mais saisissants (l’homme frappant une femme est vu dans un miroir déformant), l’expressionnisme du Noir touche encore parfois à l’outrance du cinéma muet. Le film fait plus vieux que son âge mais son charme est certain. Il mérite d’être redécouvert pour son esthétique mais aussi pour son détachement intelligent des codes du genre et notamment le refus de la simplicité jusqu’à relativiser largement une « happy end » et la montrer, au fond, pas si « happy » que ça.

Je ne regrette pas d’avoir cédé à ma curiosité.

« They Made Me a Fugitive », sorti aux Etats-Unis sous le titre « I Became a Criminal », est signé simplement Cavalcanti, sans prénom. Il s’agit de Alberto de Almeida Cavalcanti (né à Rio de Janeiro en 1897 et mort à Paris en 1982).
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le 21 mars 2015

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