Au début des années 1970, l’épouvante gothique britannique vit ses dernières heures. L’émergence de films fantastiques beaucoup plus réalistes comme Rosemary’s baby, La Nuit des morts-vivants ou L’Exorciste balaie la poésie gothique, notamment, de la Hammer dont la production s’effondre. Sa rivale, Amicus, tente de relever le gant, mais l’âge d’or du genre est passé. La Hammer ne produit plus de films majeurs et semble ressasser ses succès passés tandis que la Amicus, qui se spécialise dans le film à sketches, n’atteint jamais la qualité de son homologue. Pour preuve, ce titre qui réunit pourtant les deux figures emblématiques anglaises de ce cinéma, à savoir Christopher Lee et Peter Cushing, dans une adaptation du fameux roman de Robert Louis Stevenson, L’Étranges Cas du docteur Jekyll et de M.Hyde. Le parti-pris du scénariste et père de la firme anglaise est de rester très fidèle à l’œuvre originale même si le contexte a été modifié. Il en résulte une œuvre bavarde où il se passe peu de choses qui ne parvient pas à transcender son sujet.
En comparaison, on est très loin de la réussite de la Hammer, dix ans plus tôt, avec Les Deux Visages du docteur Jekyll où la firme britannique avait, comme à son habitude, misé sur la flamboyance des couleurs et une ambiance victorienne des plus réussies. Ici, l’ensemble est terne et, même si les rues nocturnes ont fière allure, les intérieurs tristes qui se veulent réalistes donnent à l’ensemble une fadeur qui se retrouve dans le côté statique de l’ensemble. Christopher Lee, qu’on n’a peut-être jamais autant vu dans un premier rôle où il est de presque toutes les scènes, y est remarquable, mais le résultat se regarde avec un ennui poli. Le personnage de Peter Cushing, quant à lui, n'est pas assez développé pour en faire un protagoniste intéressant. L’ensemble manque de scènes fortes et les tourments que vit le personnage principal ne peuvent remplacer l’effroi espéré.
Ce n’est pas mauvais mais le résultat souffre d’une absence de personnalité et d’une véritable vision cinématographique. Derrière la caméra, le supposé surdoué Stephen Weeks réalisait, à 22 ans, son premier long-métrage. Sa courte carrière illustre aussi un talent peut-être surestimé. Toujours est-il que ce titre ne tient pas la distance et qu’il l’incarne la fin d’une époque même si la Hammer sortira encore quelques films intéressants, dont un Docteur Jekyll et Sister Hyde qui aura, lui, l’audace de réinventer le mythe.