A titre personnel, je connais plusieurs personnes qui gravitent autour du milieu carcéral : contrôleurs judiciaires, juges d'application des peines, psychologues, associations qui aident à la réinsertion, un ou deux petits trafiquants de drogue.
Allez, petit moment de droite : ça m'a toujours un peu sidéré de voir tout le fric et toute l'énergie qui sont investis pour la réhabilitation des taulards. Bah oui : eux ils ont fait leurs (mauvais) choix, moi j'aurais tendance à plutôt essayer à mettre tout le fric pour aider les victimes, qui, elles n'ont rien demandé !
Tout ça pour dire que je partais avec un assez gros a priori contre ce qui est montré dans ce film : la justice restaurative. Cette notion a été inscrite dans le droit français en 2014. En gros ça consiste à mettre dans une même pièce des victimes et des coupables d'infraction similaires avec comme objectif de "réparer" la psyché des victimes et de développer l'empathie des coupables afin de diminuer le risque de récidive.
Le film présente deux intrigues parallèles de justice restaurative : d'une part les 5 séances de travail de groupe de coupables et de victimes de vols avec violence, d'autre part les séances de préparation en individuel d'une victime d'inceste (Adèle Exarchopoulos) en vue d'une confrontation avec son agresseur, qui n'est autre que son frère.
Ce qui frappe le plus dans ce film, c'est la puissance des dialogues et le jeu des acteurs. La description par toutes les victimes / agresseurs de ce qui leur est arrivé est d'une rare puissance. J'étais pendu à leurs récits, qui font froid dans le dos. Les victimes ont en commun d'être toujours traumatisées plusieurs années après leur ce qui leur est arrivé. La plus touchante est Miou-Miou (putain quelle actrice !) qui livre un récit d'une justesse et d'une tristesse terrible sur sa solitude de la vieillesse de vieille dame, accentuée par la peur de sortir de chez elle suite à son agression qui l'éloigne même de ses petits-enfants.
Contrairement à ce que je craignais quelque peu, le film n'est aucunement complaisant avec les coupables. Certains essaient maladroitement de se déresponsabiliser de leurs actes (le jeune noir surtout, pour qui c'est jamais sa faute). Cependant, le cadre de le justice restaurative permet aux victimes en face d'eux (Gilles Lelouch, Leïla Bekhti) de leur rentrer dedans sans ménagement pour leur faire prendre conscience de leur responsabilité. Les paroles des agresseurs sont intéressantes et souvent surprenantes. Par exemple le vieux toxico incarné par Fred Testot ne sait pas s'il sera capable de faire autre chose que voler car il a peur de ne pas arriver à remplir son espace sur Pôle Emploi.Fr !
Les membres de l''association qui encadre de manière sécurisée les échanges collectifs sont pleins de bienveillance et finalement assez discrets. Tout au plus il y a quelques scènes périphériques pour montrer qu'ils ont une vie personnelle.
Les scènes d'échange entre jeune fille victime d'inceste (Adèle Exarchopoulos) et la personne de l'association (Elodie Bouchez) sont d'une grande intensité. Encore une fois les dialogues sont incroyablement justes et le jeu des actrices est parfait.
L'évolution des victimes dans le sens de la guérison et celui des coupables dans le sens de la réhabilitation semble presque trop beau pour être vrai, mais force est de constater que ça a l'air de marcher, donc OK, allez roule Simone.
Au global, le film met une bonne grosse claque dans la gueule, je n'avais pas été autant marqué par un film français depuis le phénoménal Hors Normes.