Et ben bordel de peau de zob, j’en ai vu des films complètement barrés, mais celui-là… Oui, je sais, je le dis souvent que le film que je viens de voir est fou, mais celui-là est au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Rien que le titre est tout un programme. Mais un coup d’œil sur la bande annonce, et ce n’est pas « tout un programme » qui s’annonce, mais « toute une expérience bizarroïde » qu’on va prendre en pleine face. Déjà, prenez trente secondes pour lire le synopsis. Si si, faites-le, je ne continue pas tant que vous n’avez pas lu. C’est bon ? C’est fait ? Vous voyez donc de quel genre de film je parle. Et ça va être très difficile de parler d’une œuvre aussi étrange, aussi barrée, qui nage constamment dans l’absurde. Mais je vais essayer malgré tout, car contrairement à ce qu’on pourrait croire, Jesus Shows You The Way to the Highway (putain mais quel titre !) n’est pas du tout un nanar. Tout est ici bien réfléchi, volontairement pété, pour proposer une expérience hors du commun qui risque d’en laisser pas mal sur le bas-côté en cours de route. Parce que oui, j’en ai vu des films étranges, et pas qu’un peu, mais celui-là il remporte la palme haut la main.


Si j’en crois ce qu’on peut trouver sur le jeune réalisateur espagnol Miquel Llanso, c’est un grand amateur de musique et de films expérimentaux-punk-bizarres. Et ben mon con, tout s’explique. Il a étudié la philosophie et le cinéma et avec son dernier film en date qui nous intéresse ici, dont on raccourcira le titre en Jesus … Highway, il tente une satire politique de science-fiction qui semble être spécialement conçue pour faire le tour des festivals dans lesquels on trouve tout un tas d’amateurs de bizarreries. Bref, par où commencer … Visuellement, Jesus .. .Highway est extrêmement étrange, sorte de SF neorétro assumée. Les écrans sont de très anciens postes de TV, les vêtements semblent sortir des années 60, les couleurs sont « passées ». Le réalisateur espagnol va également s’amuser avec une technique très étrange, celle du stop motion, normalement utilisée en animation, mais ici avec de vrais acteurs, dès lors qu’ils mettent leur casque de réalité virtuelle. A l’intérieur de cette « matrice », ils arborent tous un masque en carton représentant un visage, dont seule la bouche est animée, donnant un côté parfois malaisant au visuel déjà bien barré. Au niveau sonore, même chose, c’est la bizarrerie qui est de mise, avec des bruits de modems 56K, des bruitages de jeux de baston période 16 bits, et des musiques à mi-chemin entre le jazz expérimental et des morceaux techno en 8-bits analogique. Et puis que dire des acteurs qui sont redoublés en post-prod, dans un doublage volontairement mauvais afin d’appuyer le côté improbable de l’ensemble. J’avoue, un temps d’adaptation est nécessaire, et même lorsque le générique de fin retentit, je ne suis pas sûr qu’on se soit réellement habitué aux images qui ont défilé sous nos yeux. Pourtant, un charme très particulier se dégage du film. Peut-être parce qu’il a été tourné en pellicule, allez savoir. Peut-être parce que les paysages éthiopiens apportent quelque chose de différent. Dur de savoir.


Mais s’il n’y avait que cela qui était bizarre… Rien que l’acteur principal du film, Daniel Tadesse, handicapé physique, version éthiopienne de Quasimodo, apporte un plus dans l’étrangeté de l’ensemble. Il était d‘ailleurs déjà le héros du premier film de Miguel Llanso, Crumbs (chronique à venir ?). Mais citons aussi un premier ministre habillé en Batman (version années 60) qui se fait lécher les pieds ; du stockshot de sous-marin ; un ninja appelé Spaghetti et un autre Ravioli ; un maître Shaolin dans une grotte ; un méchant virus Staline qui tue à la faucille et au marteau ; des langues liseuses de cartes bleues ; des hommes mouches semblant sortir d’un sentaï ; un homme mouche en chapeau de paille lisant un magazine au bord d’une piscine ; un esprit transféré dans une télé portative des années 70 ; une réincarnation de Jésus Christ à la perruque de traviole et habillé en métaleux ; un clin d’œil à Matrix avec des bonbons rouges et bleus ; une scène de cul assez frontale ; des combats semblant sortir d’un film HK ; … Jesus … Highway est complètement barré, à mi-chemin entre le film expérimental et la parodie de SF. C’est bien underground, bien déstabilisant, et il faut oublier tous les codes que vous connaissez. Il y a de tout : espionnage, SF, blaxploitation, kung fu, le tout à la sauce rétro sur fond de critique des réseaux sociaux et du dieu Facebook (renommé ici Psychobook). Les personnages sont souvent ridicules mais ils ont un côté fascinant, à l’instar du film qui aura eu un effet hypnotique sur moi. Le scénario est un joyeux bordel, s’ouvrant à mi-film sur divers arcs narratifs dont certains n’aboutiront pas. On finit par ne plus rien comprendre. Puis soudain, on se pose une question : Est-ce que ce film ne serait pas le reflet du monde absurde dans lequel nous vivons ? Un monde devenu complètement fou, à la technologie parfois effrayante, où les réseaux sociaux sont le terrain des théories du complot les plus ambigües, où certaines choses vont parfois vers le non-sens absolu ? Venant d’un cinéaste ayant étudié la philosophie, ça serait possible…


Jesus Shows You The Way to the Highway est une expérience unique, à la fois éprouvante et hypnotisante. Un film complètement fou, taillé pour les festivals, qui aura sans doute du mal à trouver son public, mais voué à devenir culte au fil des années. Une bizarrerie tout bonnement improbable.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
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le 28 nov. 2021

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