Il y a dans jeux d'enfants l'essence d'un chef d'oeuvre. Son concept a en tout cas été remarquablement préparé dans son évolution, perverti au fur et à mesure du développement de ses personnages, culminant dans les méchancetés les plus sadiques, sans jamais recourrir à la violence physique. C'est un petit jeu de cours, qui prends place dans un climat d'enfance anxiogène ( la mère de Julien est atteinte d'un cancer, que son père vit toujours comme un drame, et Sophie est stigmatisée pour son statut de fille de polonaise (un peu étrange, mais soit)). Le monde est trop sérieux et trop ancré dans une austérité corrective pour ces deux là, alors il faut vivre par la défiance, en étant les seuls à oser faire leurs gamineries. Mais si ce jeu rapproche, il finit aussi par créer une barrière de défiance vis à vis de l'autre, pour le faire toujours aller dans ses derniers retranchements. La partie adulte est à ce titre jubilatoire pour ses jeux cruels, qui tirent de plus en plus vers les dernières limites de torture psychologique qu'on peut imposer à un amour, mais mûri d'une façon bien singulière.


Avec un tel contexte, Jeux d'enfants a de quoi devenir fascinant, d'autant plus qu'il est relativement peu prévisible. Alors qu'est-ce qui a merdé ? La forme ! Plutôt que de la jouer à l'épure (la partie adulte et adolescente l'est davantage, à quelques scènes près), le film encombre son visuel d'un style kitsch qui a bien du mal à être nuancé (l'enfance ressemble à Amélie Poulain), dommangeable au film car il en atténue la spontanéité (il croit instaurer un petit malaise avec le contexte bien lourd et la légèreté de ses protagonistes et de leurs jeux, mais l'ambiance ne sonne jamais comme cruelle). Ca s'arrange un peu plus par la suite, avec hélas quelques petits renvois à l'enfance (le tyran et le flan, petite image un peu trop soulignée). Ca et le jeu d'acteur un peu blasé que chacun adopte au fur et à mesure de l'usure du jeu, heureusement dissipé par la dernière manche, totalement réjouissante.


Bon film un peu tiède, jeux d'enfants reste une tentative sympathique du cinéma hexagonal, en pervertissant intelligemment les codes de la comédie romantique.

Voracinéphile
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le 4 oct. 2015

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