Travail Famille Patrie (ou la vie privée de Jack Ryan)

2 heures d’ennui pour un film hybride entre le thriller mais sans «thrills», un film politique mais sans politique, un film d’action mais sans action. Par contre, avec du familial. Oh oui, du familial. En fait, ya quasiment que ça.

Que c’est passionnant, Jack Ryan est loin de sa maison avec sa famille et les poissons rouges dans la chambre de sa fille sont probablement morts de faim. Alors, pour ne pas la décevoir, il appelle quelqu’un de ses amis pour soit nourrir les poissons, soit les remplacer par d’autres, environ de même taille. Que c’est passionnant, un serveur leur amène du champagne dans la chambre pour une soirée romantique avec sa femme (pas le serveur et la femme de Jack hein, c’est pas un film de ce genre...). Que c’est passionnant, sa femme lui annonce qu’elle est enceinte, et évidemment Jack est si heureux! Sa fille semble être un peu moins heureuse, mais ça passera; TOUS aiment les enfants et les histoires de grossesse (cette nouvelle signifie que ni la femme ni l’embryon ne périront dans le film, malgré l’envie que le spectateur peut en avoir). Que c’est passionnant, sa femme est chirurgienne, et elle soigne l’œil d’un enfant; pour la subtilité, ensuite, après le travail, elle s’inquiète tellement du sort de ce pauvre enfant qu’elle appelle l’hôpital pour savoir si il s’en est tiré, et par ça même empêche Jack de la contacter d’urgence pour la prévenir qu’on essaiera de la tuer. Après tout, les enfants c’est la vie... surtout ceux des autres. Que c’est passionnant, ensuite, qu’une sortie en famille soit gâchée par l’arrivée des ex-collègues de Jack, ce détail ajoute tellement au film. Je tairai dans la mesure du possible les scènes dans l’hôpital, si touchantes et toujours aussi utiles pour la construction des enjeux.

Transition!

Enjeux? Où ça? J’en ai pas vu: Sean Bean veut seulement venger la mort de son frère et l’autre méchant veut... tuer le ministre? Le brouillard scénaristique couvre ce détail, ainsi que le détail du pourquoi. Ce même brouillard, je crois, couvre aussi tout le reste concernant l’intrigue. Qui est le mec tué par la méchante, qui sont les sbires également tués? Pourquoi un désaccord entre le méchant et l’autre méchant? Qui est le trafiquant de livres anciens? Qui est le mec nationaliste qui aide Ryan, et surtout, pourquoi il l’aide? Et surtout, pourquoi toute cette histoire est traitée comme une histoire secondaire alors que c’est le noyau de l’action, d’un film, je le rappelle, basé sur un best-seller de Tom Clancy?! La situation, par la faute de ces nébulosités, évolue indolemment et sans tension (que «À la poursuite d’Octobre Rouge» semble lointain et détaché), sans crise, sans psychologie enfin.

Transition!

Les personnages sont plats et inintéressants et inutiles et trop nombreux. Ils disparaissent et apparaissent sans dire qui ils sont ni pourquoi ils sont là. On dirait qu’ont été filmées les ébauches de scénario: l’histoire principale est en place, mais s’articule sur des pivots bots et des personnages encore sans consistance, devant être réduits au minimum (comme le dit une recette théâtrale qui a fait ses preuves). Du coup, pour pouvoir garder quelque chose de potable (mais en fait non), on a hypertrophié les pôles action/famille, en inhibant le côté politique.

Transition!

Ça ressemble à une part de melon: les bouts sont relevés par de l’action digne et intéressante quand le milieu s’enfonce dans une niaiserie sans fin (2 heures quoi). La fusillade élément déclencheur, même si courte, feint de donner un bon niveau au film, et s’en sort honnêtement. Celle de la fin, dans la maison, suivie par une course-poursuite finale en bateaux dans une tempête, culminant par un duel sur un bateau en flammes et Sean Bean empalé puis explosé, est excellente et dignement mise en scène. Je m’étais cru dans un vrai film d’action, et pas dans un thriller politique.

Pas de transition, j’en ai marre.

Toute la partie Jack Ryan à la CIA est nullissime et pitoyable. Un comble pour une adaptation de Tom Clancy. Un comble pour une suite de «À la poursuite d’Octobre Rouge». Je crois avoir vu des seins sur cette photo satellite et on m’a parlé d’une femme, je suis sûr que c’est la même! Paf paf, ordonnons d’attaquer le camp où cette présumée femme se trouve. Oh mon dieu, mais elle n’y est pas! Oh mince, on n’a plus d’indices! Rentrons chez nous dîner avec un ministre...

Dans cette partie cependant, à ma grande hilarité, j’ai aperçu Theodore Riami jouant un technicien. Eh bien, il vole la vedette à Harrison Ford dans ses 2 scènes, surtout celle où, quand tout le monde écoute attentivement Jack, celui-ci s’ennuie en rongeant ses ongles avec un regard blasé. J’ai pas pu me concentrer sur les paroles de Jack, vu la disparité entre le comique (involontaire sûrement) de Theodore et la monotonie (magnifique dans d’autres circonstances) sérieuse de Ford. Mais je suspecte, de par le cadrage de la scène, laissant le regard forcément se poser sur Riami, que le réalisateur a par là suggéré combien lui aussi ce film l’ennuyait. J’en serais pas étonné.

À part ça, Samuel Jackson a toujours la classe.


P.S. Heureusement que «Danger immédiat» a relevé le niveau.
Owen_Flawers
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le 23 nov. 2013

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Owen_Flawers

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